Chronique livre : A genoux

de Michael Connelly.

Je ne m’étais pas jetée sur la première sortie d’ A genoux, pas franchement très emballée par son précédent, Echo Park. Mais bon, je n’ai pas résisté à la sortie en poche. Le livre étonne par sa faible épaisseur. On a connu Connelly plus bavard. Mais c’est plutôt pas mal, le livre gagne sérieusement en efficacité. Le choix d’une action à la fois rapide en écriture et rapide en temps (le livre se déroule en moins de 24h) donne dupeps à l’intrigue.

A part ça, pas grand chose de neuf sous le soleil avec ce roman : Harry Bosch est un flic aux méthodes toujours aussi discutables et tout comme dans Echo Park quelques indices disséminés dans le bouquin gâchent un peu le twist final. La manière dont Connelly en rajoute une couche sur les gros sabots de son héros est assez jouissive, on le voit se débattre au milieu d’une enquête un peu trop grande pour lui comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Le dernier chapitre (cadeau bonus de l’édition en poche ?!?) offre une ouverture intéressante et finalement assez inquiétante pour l’avenir d’Harry.

On doit également reconnaître au roman une grande qualité : jamais Connelly n’aura été aussi ancré dans son époque. A Genoux est clairement un roman post-11 Septembre. Bosch est confronté à un monde qui est en pleine mutation suite au traumatisme : création d’unités spéciales, intrusion de la suspicion de terrorisme dans une enquête… c’est un monde nouveau, qu’il ne maîtrise plus et dans lequel il essaie malgré tout d’imposer des méthodes de pensées et de faire « old-fashioned ».

Bon allez, ok, c’est pas mal, ça se dévore. Mais ce n’est pas du grand Connelly.

Chronique livre : La guerre comme des anges

de Thalie de Molènes.


Ca mériterait pas un agrandissement ça ? clique.

Les guerres de religion, voilà un sujet touffu et complexe pour un roman historique tant ces temps troubles manquent de linéarité et de clarté historique. Thalie de Molènes se lance dans l’aventure avec un bel enthousiasme, et une plume élégante. Elle ancre son récit dans un pays qu’elle connaît bien, et qu’elle adore, le Périgord. Les titres des chapitres sont, et c’est une belle idée, des repères historiques qui jalonnent le roman, permettant d’éclairer les péripéties des ses héros dans un contexte plus général. Les citations du poète protestant Agrippa d’Aubigné, soigneusement choisies, illuminent de leur rigueur le récit.

On sent la dame érudite, et les recherches pour étayer son histoire sont impressionnantes. Mais c’est aussi un peu par cette érudition que le roman pêche un peu. Le début, et la fin, très romancées et relativement linéaires, sont entrecoupés par quelques chapitres très historiques et complexes, dans lesquels disparaissent un peu les héros, où apparaissent une multitude de personnages qui brouillent la lecture et la compréhension. Cette construction un peu bancale empêche au roman d’atteindre l’ampleur qu’il aurait mérité.

Malgré cela, La guerre comme des anges est un livre assez passionnant et intelligent, qui permet d’aborder cette période complexe de belle manière, et avec style. Et c’est de plus un très bel objet, comme les éditions Fanlac savent si bien les faire, mais si mal les distribuer. Heureusement disponible sur tous les bons sites du oueb.

Chronique livre : la Haine de l’Occident

de Jean Ziegler.


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On ne peut pas dire que La Haine de l’Occident soit le cadeau de Noël le plus gai que j’ai eu (en même temps c’était le seul cadeau sous le sapin cette année, ça relativise). Ziegler tente dans cet essai de rechercher les racines de la haine des pays « du Sud » pour l’Occident. Le livre n’est pas là pour déterminer qui sont les bons ou les méchants, mais bien d’essayer de débusquer l’origine, les origines des rancœurs et donc des points de blocages actuels dans bon nombre de discussions internationales. Le livre peut donc paraître très partial, mais c’est son principe même.

Et il faut avouer que Ziegler réussit parfaitement à mettre le doigt là où ça fait très mal : de l’esclavage à la colonisation, du cynisme éternel de l’Occident dans l’application des Droits de l’Homme, à sa mainmise sur les richesses des pays du Sud, la liste est longue, hérisse, choque, bouleverse, écoeure. On ressort de là complètement chamboulé, en regardant notre petit confort occidental d’un oeil suspicieux. Le point culminant du livre est sans nul doute le chapitre sur le Nigeria, un des pays potentiellement les plus riches d’Afrique grâce à ses ressources pétrolières importantes, mais dont la population crève de faim et de trouille. Les richesses phagocytées par les grandes compagnies pétrolières occidentales et la junte militaire, la destruction écologique du delta du Niger, l’insécurité affolante, le portrait est très noir, et il faut avouer qu’il laisse peu de piste d’améliorations. Le chapitre suivant, sur la Bolivie et l’élection, pour la première fois, d’un président d’origine indienne, ouvre une petite porte d’espérance, sans pour autant permettre le retour à un optimisme béat.

On pourra judicieusement compléter la lecture de La Haine de l’Occident par « L’esclavage, un sujet qui fâche« , dossier du magazine Historia de Janvier 2009, actuellement en kiosque. Pour ne pas oublier.

Chronique livre : La porte des Enfers

de Laurent Gaudé.


Tenté par le voyage ? Clique sur la spirale pour te faire aspirer.

Un gars qui aime autant l’Italie ne peut pas être mauvais. La porte de Enfers de Laurent Gaudé est une très bonne surprise après un recueil de nouvelles qui ne m’avait qu’à moitié convaincue. Dans les rues de Naples, un père tire son fils par la main pour ne pas arriver en retard à l’école. L’enfant implore à son père une pause. Son père refuse. Une fusillade éclate soudain, et tue l’enfant. Cette mort brutale fait basculer la vie de la famille. Giuliana, la mère maudit la terre entière, et demande vengeance à son mari, lui doit vivre avec la culpabilité d’avoir été brutal avec son fils juste avant sa mort.

C’est peu dire que La porte des Enfers est efficace. Ca se lit dans un souffle tellement la construction est intelligente. C’est rapide, saucissonné en chapitres et sous-chapitres qui font qu’il est bien difficile de poser le livre. L’écriture de Gaudé est toujours belle, simple, composée de phrases courtes qui ne manquent pourtant pas de souffle. On sent le roman incroyablement sincère, rempli de blessures réelles romancées. Gaudé réussit surtout le personnage du père, écorché, capable de tout pour son enfant. Le personnage de la mère, dont la douleur se manifeste de manière très lyrique est également intéressant. C’est bien là l’Italie et ses croyances, ces mauvais sorts et ses malédictions païennes. On peut regretter que le passage central du bouquin, la descente aux Enfers, soit assez maladroit. On sent le gars assez peu à l’aise avec les scènes d’action fantastiques de ce type-là, et c’est vraiment dommage car l’univers qu’il tente de créer est intéressant, bourré de références littéraires et picturales. Mais le truc n’y est pas, c’est trébuchant au niveau de l’écriture.

Reste que le livre est beau est émouvant. Et j’aime assez cette idée de porosité entre le monde des morts et des vivants, cette idée qu’on garde un peu des morts en nous, mais que surtout, les morts emportent avec eux un peu de nous, aspirant de notre vie vers les tourbillons des Enfers. A chaque mort connu, on meurt un peu aussi. Oui, ça, ça me parle.

Chronique livre : Le fait du prince

d’Amélie Nothomb.


Choisis ta bouteille.

Voilà donc le cru 2008 du vignoble belge Château Nothomb. Qu’on aime ou qu’on aime pas, on peut tout de même admirer la constance impressionnante de la demoiselle : un livre par an depuis 1992, il faut avouer qu’il y a une certaine insolence dans cette profusion et cette régularité, et aussi pas mal de désinvolture, et souvent quelque peu de paresse. On peut noter depuis pas mal d’années l’incroyable diminution du nombre de mots par pages qui font tendre Le fait du prince plus vers la nouvelle que le roman.

Mais bast, Le fait du prince fait plutôt partie des crus acceptables de Nothomb, mêlant bonhomie, absurde et imagination dans une histoire gentiment loufoque. Un homme sonne à la porte du héros pour passer un coup de fil, et a la mauvaise idée de mourir sur le canapé de ce dernier. Sans grande hésitation, le survivant endosse l’identité du macchabée, délaissant une existence peu passionnante qu’il oublie déjà.

Nothomb lorgne sans vergogne vers un univers Murakamien complètement décalé, en gardant sa patte bien reconnaissable. Son héros se fond dans sa nouvelle vie, s’y vautre plutôt, avec délice, et c’est assez réjouissant. Malheureusement, au lieu de laisser planer les mystères, l’auteur préfère les débusquer, faisant de son héros un petit détective à la manque. C’est dommage qu’elle ne réussisse pas à développer son sens de l’absurde un peu plus, la fin du livre n’est vraiment pas à la hauteur, et fait clairement retomber le soufflé.

Reste un moment distrayant, inconséquent et oubliable. Ça parlait de quoi au fait son avant-dernier ?