Chronique film : Je vais bien, ne t’en fais pas


de Philippe Lioret

J’étais un peu énervée en sortant de ce film. Non pas qu’il soit mauvais, non, « Je vais bien, ne t’en fais pas », est indiscutablement un bon film.

La mise en scène est extrêmement fluide, pudique, légère, bref fort jolie et discrète. L’interprétation est vraiment impeccable, (lumineuses actrices, Mélanie Laurent, fragile, Isabelle Renauld -que cette femme est belle-, Aïssa Maïga, légère comme une plume, et côté mâle, Kad Merad, sobre et Julien Boisselier, craquant).

Mais le scénario… Pourquoi alambiquer une histoire, qui aurait pu être simplissime ? Tous les trucs scénaristiques se sentent à 300 km à la ronde (enfin pas pour la nana derrière moi, qui visiblement avait des petits problèmes de compréhension), ils sont à la limite du crédible, et transforment ce qui aurait pu être un chef d’oeuvre sur un passage à l’âge adulte, accéléré par la disparition d’un frère, en un seulement bon film. Le fait qu’on attende Le truc, casse l’émotion à la base, et quel dommage !

Je vais bien ne t’en fais pas reste quand même hautement recommandable, m’enfin, soupir quoi …

Chronique film : Little Miss Sunshine

de Jonathan Dayton & Valerie Faris

Ahhh que ça fait du bien de rire ! Sur les conseils, toujours très avisés de mon cher J., je suis allée voir Little Miss Sunshine. Je n’en avais nullement entendu parler, donc sans a priori.

LMS fait partie de ces films américains critiques et ironiques vis à vis du sacro-saint American Dream. Une famille, dans un « combi » (sorte de minibus) improbable, traverse les Etats-Unis pour que la benjamine (irrésistible petite gamine rondouillarde) de la famille participe à un concours de mini-miss.

Les personnages sont formidablement bien dessinés et interprétés (de l’oncle gay, suicidaire et spécialiste de Proust, au grand-père héroïnomane et obsédé). Le scenario, malgré quelques minuscules petites longueurs et facilités est un régal. C’est très joliment filmé avec un beau sens du cadre et des touches d’inventivité. On pense parfois à Jane Campion et Miranda July.

Le final est exceptionnel de drôlerie, après moultes péripéties, la gamine réussit à participer au concours de mini-miss et exécute sa chorégraphie … réalisée par le grand-père. Bon je ne vous dirai rien de plus, de peur d’en trop révéler. Courez voir Little Miss Sunshine ! Allez hop !

Chronique film : The Queen

de Stephen Frears

Il était temps pour moi de visiter la seule salle de cinéma de Dijon un peu « pointue » (lire : qui passe autre chose que de la VF et des superproductions). Sur un coup de tête, je quitte le boulot et je file au cinéma. Mon choix se porte sur The Queen de Frears. Je n’en ai pas encore entendu causer, je sais vaguement que ça parle de la Reine d’Angleterre, point barre. Mais Frears m’a valu quelques uns de mes plus beaux fous rires de cinéma (Ahhhh The Snapper, The Van), quelques chocs esthétiques (Mary Reilly), quelques bouleversements émotionnels (My Beautiful Laundrette). Le gars n’est pas très facile à cerner, mais son oeuvre est marquée par un beau regard et une grande humanité. Je ne prends donc pas trop de risques. A vrai dire au sortir du film, j’ai trouvé ça sympa, mais voila, maintenant, il me trotte dans la tête.

The Queen commence comme une comédie aigre-douce, personnages proches de la caricature, ou même carrément caricaturaux. Dialogues savoureux (à voir obligatoirement en VO !). Le cadre rigide du protocole royal cache mal la nature de ses protagonistes, marionnettes ou bouffons. De son côté la bande à Tony Blair, est présentée comme une assemblée de jeunes cadres dynamiques aux dents longues, résolument modernes, pas franchement sympathiques non plus. Voir Madame Blair servir du poisson pané à ses mioches dans une cuisine banale, en tablier, est assez surprenant. Je ne connais pas les us et coutumes de la famille Blair, mais j’ai des doutes : je ne pense pas que leur intérieur ressemble à un pavillon de banlieue et que Madame engueule son mari parce qu’il n’a pas fait la vaisselle, mais bon, après tout, je n’en sais rien.

Bref. Le film prend une tournure très différente après la mort de Diana. Tony Blair en profite pour se mettre en avant, tandis que la Reine s’enfouit dans sa résidence secondaire de Balmoral. Pour chacun, cet événement sera un tournant décisif. « Il n’y a jamais eu de précédent » à cet accident, imaginez, une ex-princesse royale qui casse sa pipe, ça ne s’est jamais vu. Tandis que la rancoeur du peuple grandit, envers cette Reine, qui ne veut même pas mettre un drapeau en berne pour leur Princesse de Coeur, c’est tout le monde codifié et rigide de la Reine qui explose, toutes ses certitudes qui volent en éclat. Son seul ami, se révèlera être Tony Blair, qui petit à petit se met à ressentir de l’empathie, et même de la sympathie pour ce personnage écrasé de solitude. Après ses débuts plutôt légers, le film prend un tournant plus tragique, et extrêmement émouvant (oui oui, j’ai même versé ma larme), pas à cause de la mort de Diana, mais pour La Reine, pour nous en fait, et toute personne qui dans sa vie doit affronter une perte de repères et une profonde remise en question (au passage, extraordinaire Helen Mirren, sublime). Ni brûlot pro ou anti-royaliste, Frears ne porte aucun jugement sur un état factuel de la politique anglaise, mais il s’attache à sa protagoniste principale et lui donne une portée universelle. Si c’est pas beau ça !

Chronique livre : Le Maître a de plus en plus d’humour

de Mo Yan

Après 120 pages d’une énorme pavasse écrite petit et mal traduite, j’ai attrapé un petit livre rouge, offert par une gracieuse amie sinophile pour mon anniversaire (qui se reconnaîtra car je sais qu’elle hante silencieusement les pages de ce blog). Je ne vanterai jamais assez les mérites des livres courts, comme des films courts d’ailleurs, j’aime la concision, et la modestie de savoir s’arrêter quand il n’est plus nécessaire de broder.
Le Maître a de Plus en Plus d’Humour (LMADPEPDH en abrégé), est un petit bouquin chinois, très court et écrit très gros, pile poil ce qui me fallait. J’ai toujours une crainte en abordant une traduction chinois-français, parce que fréquemment, on se demande si le traducteur n’est pas Ouzbek. Là non, c’est joliment traduit, sans maladresse, tout en douceur, ça passe facilement et sans beurre.
LMADPEPDH est l’histoire d’un ouvrier modèle, qui se retrouve au chômage, 1 mois avant sa retraite. Ca a l’air de rien, mais en Chine, ça veut dire beaucoup. En gros : il est vraiment dans la merde. Mais il trouve une idée géniale et lubrique qui le sort de la merde… à moins que…
Plutôt que de longs discours, je vais faire ce que je ne fais jamais : faire des citations. (C’est de la flemme pure et simple, je sais).

« A force de vouloir garder la face, (…), jamais le chat mort ne grimpera aux arbres »

« En écoutant la multitude de sons différents émis par les hommes et les femmes dans la petite chambre, ses oreilles lui permirent d’accumuler une foule de connaissances sur la séxualité masculine et féminine, (…) comme si d’une fenêtre ouverte, il avait pu voir d’immenses paysages »

« C’était un amour classique, très triste, comme les concombres plongés dans le pot de saumure »

« La lumière falote (…) éclairait la peau boutonneuse de la volaille, transmettant la chair de poule à sa vieille peau, qui se mit à ressembler à celle du poulet »

Drôle, noir et lumineux !

Chronique film : Le Vent se lève

de Ken Loach.

Bon alors là, je suis toute déçue, mais vraiment déçue. Pour mon retour dans une salle obscure, après plus d’un mois d’abstinence, j’avais choisi un film qui me tenait à coeur, Le Vent se Lève (The Wind that Shakes the Barley en VO), de mon Oh Combien Aimé Ken Loach. Palme d’Or à Cannes pour la première fois, Ken Loach se lance ici dans une fresque historique, sur les années 20 irlandaises.

J’ai été très contente de cette Palme d’Or, qui, vue de l’extérieur, récompensait plutôt une carrière globale que ce film en particulier. Et c’est malheureusement bien le cas. Je n’ai pas été touchée par ce film, dont j’ai trouvé le regard très extérieur. C’est bien joli de ne prendre le parti de personne, m’enfin, ça manque quand même de personnalité et d’implication. Tout ça est filmé de loin, les personnages principaux sont assez mal dessinés, jusqu’au moment où, bien avant la fin, on se doute de comment tout ça va s’achever. Quand la caméra s’attarde enfin sur les héros, il est déjà trop tard. Alors vous allez me dire « oui mais y’a l’intêret pédagogique »… certes, certes… enfin dans Land and Freedom, Bread and Roses, il y a aussi un intêret pédagogique et c’est autrement plus passionnant. Et franchement, je ne sais pas si je suis particulièrement ramollie du cerveau, mais je n’ai pas trouvé ça d’une extrême clarté.

Pour finir sur une note moins négative, on peut souligner le très joli titre en VO « The Wind the Shakes the Barley », qui signifie « Le vent qui secoue l’orge », petite phrase tirée d’une chanson populaire irlandaise, chantée au début du film. J’ai aussi bien aimé le travail sur les éclairages, très crus, très sombres.

Allez, allez Ken, je t’en veux pas. J’vais de ce pas revoir Sweet Sixteen, Ladybird, Raining Stones ou même le très émouvant Just a Kiss.