Chronique livre : L’épouvantail (The scarecrow)

de Michael Connelly.

Avant-dernier roman de Michael Connelly, L’épouvantail confirme le retrour du maître dans la cour des grands. Moins trépidant cependant que 9 Dragons (le roman qui a suivi L’épouvantail), ce roman démontre néanmoins un sursaut dans l’écriture et l’art de l’intrigue Connellienne.

On retrouve le journaliste Jack McEvoy et l’agent du FBI Rachel Walling traquant un tueur en série insaisissable se planquant des les arcanes des mondes virtuels. Là où Connelly la joue finement, c’est qu’on connaît dès le tout premier chapitre qui est le tueur, ce qu’il fait dans la vie. L’auteur préfère donc user du suspense cher à Hitchcock plutôt que de la banal surprise. Ici, il va donc être question de voir comment nos héros se dépatouillent pour débusquer ce tueur surdoué. Et c’est peu dire qu’ils ont du mal, et l’épouvantail joue avec eux de belle manière. Nos deux enquêteurs se trouvent un peu perdus, dépassés par les méthodes du tueur, et par les embûches semées par leurs hiérarchies.

Connelly commençait dans L’épouvantail à esquisser ce qu’on ressentait dans 9 Dragons, l’usure de ses héros, les manipulations qu’ils subissent de toutes parts. Ils ne sont plus des leaders intouchables, mais des pions dans une intrigue qu’ils ont bien du mal à débrouiller. L’épouvantail va moins loin que 9 Dragons dans ce constat, mais on commence tout de même à voir l’évolution de la pensée de Connelly, et c’est très intéressant. Il n’en reste pas moins que le roman vise avant tout l’efficacité, et qu’il est très efficace.

Se refusant comme à son habitude à se perdre dans les labyrinthes psychologiques de ses personnages, L’épouvantail se concentre sur l’essentiel, et c’est ce qu’il fallait. Un polar classique certes, qui ne révolutionnera pas le monde du polar, mais efficace juste comme il faut. Un bon cru.

Chronique livre : 9 Dragons (Titre français : Les neuf dragons)

de Michael Connelly.

Ok, ce ne sont pas des containers de HK, mais qui sait ?
Clique.

Ah la vache, comme je vous le disais dans ma précédente chronique, Michael est bien de retour, suite à quelques volumes un peu mous de l’intrigue. Mais c’est visiblement du passé, puisqu’après le haletant Verdict du Plomb mené tambour battant par Michael Haller, Harry Bosch est bien de retour, toujours plus implacable, plus contestable, plus violent, plus déterminé.

Non mais comprenez bien : au cours d’une affaire impliquant des triades chinoises à LA, la fille de Bosch, qui vit à Hong Kong avec sa mère se fait kidnapper. Avouez qu’il y a de quoi faire exploser le taux de testostérone du détective le plus burné de la littérature. Et ça fonctionne, Bosch fonce dans le tas, semant les cadavres autour de lui pour récupérer sa fillotte dans un décoiffant voyage en terres chinoises. Là où Connelly réussit vraiment bien à reprendre en main son héros qui commençait sérieusement à manquer de souffle, c’est en faisant ressurgir, comme il l’avait fait dans Les égouts de Los Angeles, le passé de Bosch, ancien rat de tunnel pendant la guerre du Vietnam. Toujours hantée, la quête de Bosch en terrain asiatique fait ressortir les pulsions racistes de l’enquêteur, dont la

gachette s’en trouve encore plus libérée que d’habitude. Le dénouement lui donnera une bonne grosse claque, puisque malgré l’atteinte de son objectif, le moustachu se trompait à peu près sur toute la ligne, manipulé de toutes parts (par les enfants de la victime, par sa propre fille) comme son demi-frère Michael Haller l’avait été dans le Verdict du Plomb.

En travaillant sur le thème de la manipulation Connelly commence à trouver un chemin très intéressant dans le roman noir. Ses héros chancellent sous des histoires qui les dépassent. Que la manipulation vienne d’en haut (le Verdict du Plomb) ou d’en bas (9 Dragons), on peut se demander jusqu’à quand ils aboutiront malgré tout, presque malgré eux, peu à peu dépossédés finalement de leur rôle de “leader” comme Bosch aime à se qualifier à l’envi. On peut également se réjouir de cette apparition stimulante d’Haller comme défenseur furtif de Bosch.

Le final laisse entrevoir comme une fatalité pesant sur la lignée Bosch, la fille devant porter sur ses épaules le poids d’une ineffaçable culpabilité. Du grand Connelly. Sans doute aucun.

Chronique livre : Le Verdict du plomb

de Michael Connelly.

Si t’as pas peur d’ingérer du plomb, clique.

Yes ! Après deux aventures Boschiennes un peu molles du genou (Echo Park et A genoux), Connelly revient en mettant en avant le héros de son dernier très bon roman (La Défense Lincoln), Michael Haller, avocat fouineur à la morale douteuse. Bosch reste présent en arrière plan, et c’est extrêmement malin de la part de Connelly, tant le capital sympathie envers le discutable Bosch est fort. Malin également l’argument : Haller sort d’une année sabbatique pour cause de désintox, et se retrouve du jour au lendemain en charge des nombreuses affaires d’un de ses collègues, abattu dans sa voiture. Parmi ces affaires, une attire le regard de tous les médias : l’affaire Walter Elliott, un riche producteur de films, accusé d’avoir tué sa femme et l’amant d’icelle. Obligé par son client à ne pas ajourner le procés, Haller se voit contraint à aller de l’avant, de foncer dans le tas pour bâtir une défense béton pour son client.

Comme lui, le lecteur se retrouve pris dans la spirale de l’enquête, avec une seule idée en tête : trouver l’argument miracle permettant de faire libérer Elliott. Focalisé sur cet objectif, le lecteur est manipulé tout comme Haller le sera dans cette histoire, simple pion dans les mains d’une juge véreuse, d’un client futé et d’un flic bourru. Et c’est ça qu’on demande à un bon polar, être malmené, et bousculé dans tous les sens, par un auteur à l’imagination plus fertile que la nôtre. C’est ici chose faite. On pourra regretter que Connelly fasse de moins en moins d’efforts pour écrire un peu mieux qu’un pied, et la traduction m’a paru de ci de là franchement bâclée. Le Verdict du plomb reste un bon cru connellien, difficile à lâcher.

Michael est de retour, alléluia.

Chronique livre : A genoux

de Michael Connelly.

Je ne m’étais pas jetée sur la première sortie d’ A genoux, pas franchement très emballée par son précédent, Echo Park. Mais bon, je n’ai pas résisté à la sortie en poche. Le livre étonne par sa faible épaisseur. On a connu Connelly plus bavard. Mais c’est plutôt pas mal, le livre gagne sérieusement en efficacité. Le choix d’une action à la fois rapide en écriture et rapide en temps (le livre se déroule en moins de 24h) donne dupeps à l’intrigue.

A part ça, pas grand chose de neuf sous le soleil avec ce roman : Harry Bosch est un flic aux méthodes toujours aussi discutables et tout comme dans Echo Park quelques indices disséminés dans le bouquin gâchent un peu le twist final. La manière dont Connelly en rajoute une couche sur les gros sabots de son héros est assez jouissive, on le voit se débattre au milieu d’une enquête un peu trop grande pour lui comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Le dernier chapitre (cadeau bonus de l’édition en poche ?!?) offre une ouverture intéressante et finalement assez inquiétante pour l’avenir d’Harry.

On doit également reconnaître au roman une grande qualité : jamais Connelly n’aura été aussi ancré dans son époque. A Genoux est clairement un roman post-11 Septembre. Bosch est confronté à un monde qui est en pleine mutation suite au traumatisme : création d’unités spéciales, intrusion de la suspicion de terrorisme dans une enquête… c’est un monde nouveau, qu’il ne maîtrise plus et dans lequel il essaie malgré tout d’imposer des méthodes de pensées et de faire « old-fashioned ».

Bon allez, ok, c’est pas mal, ça se dévore. Mais ce n’est pas du grand Connelly.

Chronique livre : Echo Park

de Michael Connelly

echo_park

Voilà le grand retour de Harry Bosch, le héros connellien des débuts. Flic vieillissant et toujours aussi réfractaire à toute notion d’obéissance. Dans Echo Park, Bosch va assez loin, agit impulsivement et se rapproche parfois dangereusement de l’inspecteur Harry (ce qui lui vaut d’être plaqué d’assez sèche manière par sa nana – m’enfin j’avoue que finalement ça ne m’a pas fait pleurer).

Hanté par une ancienne affaire non résolue (la disparition d’une jeune femme), il se trouve embringué dans une histoire pas possible, entouré de requins politicards et d’avocats véreux. Rebondissements à foison, souvent plus de testostérone que de neurones, le livre s’avale comme de rien. Certes pas le meilleur des Connelly (les indices parsemés ici et là, font qu’on a toujours une longueur d’avance), mais de bonne fabrication, sans aucun doute.

Snobisme de ma part, je lis autant que possible les Connelly en anglais… on peut pas dire qu’il ait gagné en vocabulaire. Comme quoi, on peut écrire de bons polars avec 3 mots et demi.