Chronique film : Zodiac

de David Fincher

Il y a parfois d’immenses moments de solitude, comme consulter une programmation de cinéma sans être du tout au courant des nouvelles sorties. Alors on regarde vaguement les horaires, un peu les réalisateurs, et on se décide tout à fait au pif. J’avoue avoir eu une petite bouffée d’appréhension quand j’ai vu, une fois bien installée dans la salle, d’une part la durée de Zodiac (2h36), d’autre part du sujet : un serial-killer, le Zodiac, celui qui avait inspiré le Scorpio de Dirty Harry…

Fincher, serial-killer… mais il a pas déjà fait ça lui ? Ben non, il n’a pas déjà fait ça lui. Il fait même tout à fait ce qu’il n’avait jamais fait, un film lent, étiré, avec peu de concessions au suspense, aux trucs branchouilles (à part deux p’tits effets qu’on lui pardonne sur les 2h36 du film), et pourtant à chaque moment à contre-pied de toute ce qu’on peut attendre, hors des sentiers bien banalisés du polar. Il brouille les pistes dès le départ.

Robert, cartooniste sympa et vaguement loser, bosse au Chronicle à San Francisco. Il est bien sympa Robert, aussi, quand le tueur en série le Zodiac se manifeste au travers de courriers cryptés, que Robert se met aussitôt à déchiffrer le code, on se dit qu’il va nous résoudre l’énigme en trois coups de cuillères à pot. Loupé, c’est un couple de profs, inconnus, qui craquent le code. Et puis Robert disparaît plus ou moins du film, pour céder sa place au flic en charge de l’enquête. Pas très sexy, ni barraqué le flic, un faux air de Colombo même, qui ne pense qu’à bouffer des « Animal Crackers », même sur une scène de crime.

L’enquête, très lente, est d’abord rythmé par les meurtres, filmés sèchement, sans esthétisation aucune, que ce soit dans une voiture, ou sur les bords d’un lac ensoleillé, les coups de fil du tueur, et l’arrivée des lettres cryptés. La lenteur de l’enquête rend encore plus percutantes les quelques scènes de suspense (il est fortiche avec les lieux clos Fincher, y’a pas à dire).

Les journalistes (excellent Robert Downey Junior, dandy craquant, même déconfit, bourré et en caleçon) et les flics essaient de résoudre une énigme de plus en plus complexe en se tirant plus ou moins dans les pattes. L’enquête s’enlise, le temps s’étire, on s’égare dans des voies sans issues, et les pistes les plus prometteuses s’avèrent inexploitables. Quand tout semble perdu, voilà que notre cartooniste du début reprend le flambeau, et son intérêt se mue en obsession, jusqu’à faire fuir sa femme et ses enfants. Et quand sa femme justement, revient dans l’appart jonché de dossiers et de papiers dans tous les coins, qu’elle balance une chemise cartonnée par terre, on pense aux papiers de divorce. Hop, dernier tour de passe-passe, c’est, sans le savoir, la clé de l’énigme qu’elle apporte à son mari.

Brillant, âpre, drôle, servi par une photo superbe, des acteurs tous nickels, une musique discrète et très bien choisie, Zodiac est un sacré film, bigrement déroutant. A voir les yeux ouverts.

10 réflexions au sujet de « Chronique film : Zodiac »

  1. Y’a un truc que j’aime bien dans les films de Fincher, c’est que les acteurs y jouent bien.

    Tu me donnerais presque envie d’aller au cinéma !

  2. Oui mais tu sais par ici on n’a pas vraiment de super programmations… alors on fait les difficiles et puis on n’y va pas souvent (une fois par an, dans ces eaux-là, et encore… vu le prix des séances). Et puis c’est pas facile de trouver des films en VO… Rhalala que la vie est compliquée !!

    Non mais sinon, on prend des DVD à la médiathèque, c’est pas mal aussi

  3. Dividi

    Mirza : ah ben tu le verras avec un peu de retard, mais les dvd c’est bien aussi Enfin, j’avoue, j’adore aller dans une salle de ciné. Là, tu ne peux rien faire d’autre que de te concentrer sur le film. Chez moi, mon esprit papillonne !

    Muirinn : tout le plaisir est pour moi

  4. Zodiac

    Nath46 : merci pour ta visite ! Je ne l’ai pas trouvé long, ça m’a bien accroché, et oui, les acteurs sont assez exceptionnels

    Le Libraire : ah ben c’est pas Spiderman Dommage, à revoir, tête reposée.

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