Chronique film : Le discours d’un Roi

de Tom Hooper.

Par où commencer ? Le film ne me tentait vraiment pas sur le papier, mais j’étais curieuse de le découvrir à cause d’une part de la pluie de prix récoltés (Oscars du meilleur film et du meilleur acteur, entre autres), et d’autre part de l’attrait qu’il exerce sur les gens qui habituellement ne vont que très rarement au cinéma, et qui, là, y sont allés, et ont adoré. Le sujet ne me semble pourtant pas très attrayant a priori (l’histoire vraie du père de l’actuelle reine d’Angleterre, le roi George VI, affligé d’un bégaiement très handicapant pour un homme public). A posteriori, c’est pire.

Ce film et surtout son succès restent un mystère entier pour moi, tellement je le trouve médiocre dans tous les domaines. Penser qu’il a remporté l’Oscar du meilleur film face à l’immense The Social Network de David Fincher, à l’intéressant Inception de Christopher Nolan, ou même au divertissant True Grit des Frères Coen me paraît complètement incompréhensible tant ce film est totalement dépourvu de cinéma. Tom Hooper n’est pas un metteur un scène. Sa réalisation n’a strictement aucun intérêt cinématographique, on dirait un téléfilm de l’après-midi sur M6. Mais se voulant original, Hooper utilise jusqu’à l’overdose le grand-angle. Il n’en tire rien qu’une esthétique désastreuse qui déforme le museau des acteurs. Gros pifs, petites oreilles, certainement ils ont dû être ravis d’être transformés en Mister Patate. Hooper voulait probablement isoler ses personnages, perdus dans ces décors trop grands pour eux. Ca ne fonctionne absolument pas.

Du côté du scénario, ça ne s’améliore pas. On reste au ras du goudron, de la psychologie pour les nuls. Si ce pauvre George VI (B..b..bertie pour les intimes) bégaie c’est qu’il a été maltraité dans son enfance par une méchante nounou qui préférait son frère. C’est ballot. Grandir dans l’ombre de ce frère destiné à devenir roi, et de son père le roi, a maintenu notre pauvre Bertie dans un état d’immaturité, et d’inhibition. Quand il devient calife à la place du calife, ça ne s’arrange pas, écrasé par sa charge et ses responsabilités, sa fourche langue toujours. Heureusement, sa femme le pousse à consulter un spécialiste du langage (un acteur raté), qui a bien compris que tout est dans la tête et va réussir à faire sortir notre caliméro tout malheureux de sa coquille, le transformant pour le coup, en un véritable roi, capable de prononcer un discours de 9 minutes sans trébucher. Ouuuuuuais. Bon.

Certes l’histoire est vraie et plutôt jolie, mais le film de Hooper la transforme en anecdote historique. Il y avait pourtant de quoi en faire quelque chose de bien mieux, de beaucoup plus profond, de dépasser l’anecdote, pour mener une vraie réflexion universelle sur le pouvoir de la parole, et des médias naissants (radio, cinéma) dans le monde, en ces heures troubles. Le film se focalise sur la victoire sur soi-même du roi, et si on pleure à la fin, c’est parce que le roi a réussi à vaincre ses peurs, et non pas parce que, sa parole, portée par les ondes aux quatre coins du monde visait à mobiliser les peuples contre la montée du nazisme. Le film a donc un côté people très désagréable (focalisation sur les problèmes personnels des grands de ce monde pour faire rêver un peuple traité comme un élément de décor), même si au détour d’une unique scène (le roi et sa famille regarde des images de l’Allemagne nazie), on entrevoit ce que le film aurait pu être dans les mains d’un meilleur scénariste et metteur en scène.

L’interprétation de Colin Firth a également beaucoup plu, couronnée d’un Oscar. Je ne peux que réitérer mon incompréhension. Mono-expressif souffreteux, il manque singulièrement de subtilité, ainsi qu’Helena Bonham-Carter, plus convaincante quand elle joue les cinglés que la reine-mère. Seul Geoffrey Rush, dans un rôle pourtant très casse-gueule, apporte une vraie finesse à son personnage. Alors certes, malgré ses 2h, le film “se regarde”, on souffre avec ce pauvre B…b…bertie si courageux. Mais franchement, quelle lourdeur, quel manque de subtilité, quel point de vue univoque de la part de ce réalisateur. Le prochain film de Tom Hooper, ce sont Les Misérables. Franchement ? Pas glop.

7 réflexions au sujet de « Chronique film : Le discours d’un Roi »

  1. J’avais plutôt aimé à chaud, un petit film biographique dont les anglo-saxons ont le secret (en fait y a aucun secret : on prend un personnage, on raconte une histoire banale mais vraie et comme c’est vrai ça fait un film). A y réfléchir, je ne retiens que l’orthophoniste dont j’ai bien aimé la frimousse et l’accent australien…

  2. Discours

    Djiwom : oui, l’orthophoniste est LE truc intéressant du film. Je n’ai rien contre les petits films, si j’avais vu celui là comme un téléfilm sur France 3, j’aurais trouvé ça correct. Mais le présenter comme un chef d’oeuvre, je trouve ça terrible, et même assez grave. Que fait-on des gens qui ont quelque chose à dire, et qui savent comment le dire ? On est dans la culture Paris Match et Gala avec ce film, et franchement, ça me gave.

  3. compte tenu de ton avis j’ai hésité, et je me suis laissé guider…et j’ai apprécié les décors, la lumière, les cadrages, les faciès, les tableaux. ça manque parfois de profondeur et de lien profond avec l’histoire (télérama a je pense le même avis), ce n’est pas du james Ivory avec ces vestiges d’un jour mais ça y ressemble un peu. un bon moment de cinéma.

  4. Je partage ton incompréhension au sujet des récompenses aux Oscars (une pensée pour Fincher) mais aussi tes arguments avancés sur l’esthétique du film et son script comment dire… royalement anecdotique, délibérément léger et peu cinégénique !

  5. Incompréhension.

    Juloobs : et moi qui pensais être lynchée par mes rares lecteurs… oui grosse pensée pour Fincher et son merveilleux film. Merci de ta visite en ces lieux.

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