de Don Carpenter.
Amateurs de westerns, passez votre chemin, Sale temps pour les braves n’a rien d’un livre de cowboys, contrairement à ce que son titre pourrait suggérer. Certes, Sale temps pour les braves commence viril. Des jeunes de 14 ans, déjà des petites frappes, pas méchantes mais sur la mauvaise pente, se saoulent et jouent au billard. Parmi eux, Jack, abandonné à sa naissance, et Billy, un prodige au billard. Jack, Billy, Don Carpenter suit l’un et l’autre de ces deux personnages au début de son roman, pour finalement se concentrer sur Jack, brièvement rejoint par Billy. Le roman sur terminera sur un autre personnage, l’antithèse parfaite de nos deux personnages précédents. Entre les deux, Jack passe par la case maison de correction, prison, mariage. De chaînes en chaînes.
Pas particulièrement séduite par l’écriture, j’ai eu plutôt du mal à rentrer dans le roman. Un peu sèche, parfois décousue surtout lorsque Don Carpenter décrit des événements, l’écriture devient cependant plus intéressante dès que les personnages sont perdus avec eux-mêmes, dans leurs pensées. Et c’est ça qui est vraiment beau dans le livre. Parce que Sale temps pour les braves est véritablement un roman d’apprentissage. Jack, d’expérience douloureuse en expérience douloureuse apprend progressivement à vivre, à réfléchir, à ressentir et à aimer. Son compagnon d’apprentissage, son ange gardien, c’est Billy, Billy son compagnon de cellule, et puis, certaines barrières viriles tombées à cause d’un manque trop grand, et d’une attirance mutuelle, compagnons de lit. On pense à Brokeback Mountain bien sûr, pour cet amour entre hommes, sans rien de racoleur, qui tient juste du fait et de l’évidence, et qui permet à Jack d’accéder au statut d’homo sapiens sapiens.
Les pages les plus belles sont celles où Jack réfléchit, sur lui, l’amour, la liberté. Une liberté qu’il a mis du temps à conquérir, et qui pourtant reste toute relative. Cette philosophie de rien, moquée par sa femme (personnage incroyable que Sally), est pourtant particulièrement bouleversante, par sa simplicité et son innocence. Jamais au-dessus de ses personnages, Don Carpenter, malgré un style un peu heurté, a écrit un roman vraiment attachant, profondément humain, et finalement assez beau.
Ed. Cambourakis
Trad. Céline Leroy