de Marcus Malte.
Comment raconter le début du XX ème siècle ? Le siècle de l’émergence, de l’explosion culturelle et technique, mais aussi le siècle de l’industrialisation de toutes les absurdités et atrocités. Marcus Malte choisit une page blanche, un garçon muet, élevé en semi-sauvage par une mère trop jeune et trop folle. La mère meurt, le garçon prend la route, fait des rencontres, côtoie cette humanité qui ne sera finalement jamais la sienne, trouve l’amour absolu, le perd, utilise ses capacités de survie dans les tranchées de la guerre, dans un bagne en Guyane. Il parcourt les routes et le monde, franchit les montagnes de l’Histoire pour finalement s’éteindre comme il est né. Le garçon n’est qu’un catalyseur pour raconter ce siècle qui naît, les collisions entre les événements, les inventions, les décisions politiques.
Il passe une saison au sein d’une peuplade indigène au bord du río Vermelho. C’est un village. Une douzaine de huttes, une soixantaine d’habitants. Ils étaient des milliers cent ans plus tôt mais le progrès a fait rage.
Et c’est ça qui impressionne dans le livre de Marcus Malte. Au-delà de l’impeccable maîtrise technique et stylistique, parfois un peu clinquante il est vrai, c’est de révéler les liens, de trouver ces points de contact, ces mises en parallèles scotchantes de puissance entre des faits en apparence éloignés. Ca frictionne, ça égratigne, ça fait mal au bide et ça révèle la beauté mais surtout l’absurdité et la violence du début de ce siècle, ferments d’autres horreurs, encore et toujours plus absurdes et meurtrières.
Malgré ce que certains d’entre vous pourraient croire, affirmait le médecin-major, la guerre représente le plus haut degré de civilisation !
De ce roman parfaitement construit, inventif, érudit, on retiendra donc cette capacité à faire naître les images sublimes et déchirantes, à révéler par la langue et par le sens de la connexion ce que les manuels d’Histoire peinent à mettre en lumière, à décrire si merveilleusement l’amour et la rage.
Ed. Zulma