Chronique livre : Le garçon incassable

de Florence Seyvos.

legarconincassableAyant lu ce roman il y a déjà plusieurs semaines, sans avoir eu le temps de vous en parler, je ne disserterai pas longtemps sur Le garçon incassable. Mais je voulais tout de même vous en glisser un mot car ce livre est un vrai petit bijou, hyper juste et touchant.

Florence Seyvos met en parallèle deux destins, les vies de deux garçons qu’absolument tout oppose. D’un côté, Buster Keaton, le garçon élastique, sur scène dès son plus jeune âge à faire tours et cabrioles violentes avec son père. Continuer la lecture de Chronique livre : Le garçon incassable

Chronique livre : Canada

de Richard Ford.

Ma métaphore centrale est toujours le franchissement d’une frontière; l’adaptation, le passage progressif d’un mode de vie inopérant à un autre, fonctionnel celui-là. Il s’agit parfois aussi d’une frontière qui, franchie, ne se repasse pas.

canadaAprès Muette d’Eric Pessan, on continue avec l’adolescence dans ce très beau roman de Richard Ford.

Cette fois-ci, il s’agit d’un jeune garçon, Dell, dont le vie et celle de sa soeur jumelle, est bouleversée par un événement familial. Leur père, Bev Parsons, le couteau sous la gorge financièrement, décide de braquer une banque avec sa femme. Amateurs, ils se font prendre rapidement. Dell atterrit au Canada chez un homme étrange, Arthur Remlinger, auquel l’adolescent, en mal d’identification s’attache rapidement. Continuer la lecture de Chronique livre : Canada

Chronique livre : L’apiculture selon Samuel Beckett

de Martin Page.

Il y a quelque chose de troublant à fréquenter Beckett et à constater que c’est quelqu’un de normal.

lapicultureselonsamuelbeckettQuelques heures après avoir posé le livre dans un sourire, l’enthousiasme pour ce très court roman est vite retombé. On prend pourtant du plaisir à découvrir le procédé fantaisiste de l’auteur. Un pseudo-assistant de Samuel Beckett, engagé pour l’aider à trier ses archives et lui faire la lecture de son courrier, écrit le journal de cette rencontre. Loin des clichés de l’homme tiré à quatre épingles, le visage sérieux taillé à coups de serpe, les costumes sombres, le brushing impeccable, Samuel Beckett est présenté comme un hurluberlu, aux chemises hawaïennes, un tantinet dépassé par son oeuvre. Continuer la lecture de Chronique livre : L’apiculture selon Samuel Beckett

Chronique livre : Féerie générale

d’Emmanuelle Pireyre.

feerie-generale-450Me voilà bien embêtée cher lecteur face à ce livre étrange. Féerie générale est une espèce de collage d’éléments hétéroclites, bouts d’histoires, de photos, de forums internet, le tout agencé de manière très sérieuse et bien ordonnée en chapitres et sous-chapitres thématiques. De cet assemblage savant Emmanuelle Pireyre a su dégager les liens entre les choses et les êtres, des liens très personnels, farfelus, dans une sorte de zapping mental géant. Continuer la lecture de Chronique livre : Féerie générale

Chronique livre : Le cas Sneijder

de Jean-Paul Dubois.

Sans la critique enthousiaste du Masque et la Plume, mon attention n’aurait sans doute ni été attirée par Le cas Sneijder ni par Jean-Paul Dubois. Et ça aurait été bien dommage, ce roman étant une comédie noire assez irrésistible, qui ne révolutionnera sans doute pas la littérature, mais qui divertit de manière fort adroite et désespérée.

Notre héros, Paul Sneijder, est globalement un raté pas magnifique du tout, plutôt palot, et surtout terriblement couille molle. Il vit à Montréal avec sa deuxième femme, Anna, une despotique et terrifiante carriériste, spécialisée dans la commande vocale et obsédée par la réussite et l’atteinte du haut potentiel auquel elle aspire. De son premier mariage, Paul a eu une fille, Marie, qu’il aime plus que tout et qu’Anna s’est toujours refusée à considérer comme un membre de la famille, de son second mariage avec Anna Paul a engendré de vrais jumeaux, clones de leur mère, et encore plus terrifiants car éternellement en duo. La routine de Paul vole en éclat le jour où, avec sa fille, ils sont victimes d’un terrible accident d’ascenseur. Marie n’en réchappe pas, et Paul après plusieurs semaines de coma, survit. Que se passe-t’il alors pour le moumou Paul, privé du seul être qui l’aimait vraiment et qu’il aimait vraiment, englué dans les griffes acérées de son épouse ? Et bien Paul s’adapte, comme il l’a toujours fait, mais au lieu de remplir les exigences de son épouse, il remplit les exigences de son traumatisme. Cette remise en question et en perspective du monde qui l’entoure est très mal vécu par ses proches…

Jean-Paul Dubois a une imagination assez débordante, et le comique de situation dont il fait preuve tombe toujours juste. On rit beaucoup des aventures de Paul, tout autant qu’on frissonne : cette famille pourtant tout à fait « banale » et surtout moderne, est absolument effrayante (le final ne me contredira pas), et le pauvre Paul, personnage pas spécialement glorieux, mais totalement humain, qui essaie juste de se reconstruire à sa manière, ne peut rien contre la tyrannie de la performance et de la normalité que représentent sa femme et ses fils. Il se débat dans une toile d’araignée bien collante, sans pouvoir en réchapper.

Il faut reconnaître à Jean-Paul Dubois un grand talent dans la description de ses personnages, qu’ils soient principaux ou secondaires, tous les rôles sont très soignés et typés, sans caricature excessive. L’œil est acéré et la plume aussi, ça déborde de fantaisie (vous ne verrez plus jamais les poulets rôtis et les ascenseurs de la même manière), c’est très intelligent, bien construit, rythmé. Je ne peux pas dire que je sois terrassée par la beauté de l’écriture de l’auteur, mais elle sied parfaitement à son sujet. Un vrai bon divertissement donc, mais qui va bien au-delà de la simple bouffonnerie.

Mélancolique et désabusé, Le cas Sneijder parle aussi avec effroi des évolutions de la société actuelle, et de la culpabilité des ascenseurs. Mais si vous voulez comprendre pourquoi, il va falloir le lire.

Ed. Editions de l’Olivier