Chronique livre : Eltonsbrody

d’Edgar Mittelholzer

Voilà une maison d’édition qui démarre plutôt bien dans la vie avec ce texte étonnant d’un auteur caribéen prolifique, dont je n’avais pourtant jamais entendu parler auparavant. Publié pour la première fois en 1960, écrit en anglais par un natif du Guyana (cultive-toi un peu lecteur), Eltonsbrody démarre par un peekaboo dans un style gentiment désuet et qui m’a semblé fort bien traduit. L’histoire se déroule sur l’île de la Barbabe. Un jeune peintre fait du tourisme et se retrouve en pension dans une bicoque au vent, chez une excessivement accueillante mémé et sa cohorte de domestiques. Les racines anglaises sont bien présentes, l’ombre de Daphné du Maurier plane sur ces pages, et la maison d’Eltonsbrody construite à l’époque victorienne n’y est sans doute pas pour rien. Mais, quelque chose de plus dur, moins policé, est à l’œuvre dans ce texte. Sans doute est-ce ce héros pas très discret et d’une franchise tout à fait désarmante qui insuffle au texte sa force et son énergie. Il rentre carrément dans le lard de cette mamie qui alterne la plus exquise hospitalité et le plus bizarre des comportements. Il se passe quelque chose dans cette maison des courants d’air, quelque chose de morbide et de souterrain est à l’œuvre. Et notre peintre-détective aimerait bien savoir de quoi il s’agit. Pourtant, à maintes reprises, à force de « vous allez voir ce que vous allez voir », on frôle l’ennui. Mais le récit réussit à chaque fois à se rattraper aux branches de casuarina par je ne sais quel tour de passe-passe. Résumer le propos du livre à un éloge de la différence et de la tolérance de l’altérité me paraît un peu réducteur, les situations, les personnages et leurs actes recèlent en effet une belle ambiguïté générale. À lire pour le voyage, la singularité de cette voix aux influences plurielles, et ce, ma foi, bien joli objet-livre.

Ed. Les éditions du typhon
Trad. Benjamin Kuntzer