Chronique théâtre : La Mastication des morts

de Patrick Kermann.


Tire lui l’oreille avec la souris pour vérifier qu’il est bien mort.

Très beau texte que ces mastications. Kermann réveille les morts d’un petit cimetière de campagne pour écouter ce qu’ils ont à dire. Et ils en ont des choses à dire : des choses qu’ils n’ont jamais osé dire, propos qu’ils ressassent à l’envie, des comptes à régler, des aveux à faire. Entre les générations, entre les familles, des liens se tissent. C’est à la fois très drôle et poignant d’écouter ces paroles : souvent dérisoires (genre « Mais où j’ai bien pu mettre mes clés »), émouvantes ou sordides, presque toujours écrites comme les gens parlent.

C’est assez fascinant de reconstituer le puzzle de la vie de ce village, de voir comment la nouvelle génération de Bigot a réussi à déjouer la bigoterie des ancêtres, de découvrir qui a, en fait, trafiqué la solex, de plaindre le soldat allemand, qui a eu la malchance de mourir là, en terre ennemie. C’est brillamment écrit, rythmiquement impeccable, beau et triste comme la vie. Kermann a mis fin à ses jours un an après avoir écrit La mastication des morts. Un sujet qui le tenaillait donc.

Photo prise au minuscule mais très intéressant Musée François Rude, à Dijon.