Chronique livre : Les Hauts de Hurlevent

d’Emily Brontë.

Pôpôpôpôpô, énorme souvenir d’adolescente, Les Hauts de Hurlevent méritaient bien une relecture. Et bon, force est de constater que ça envoie du bois bien comme il faut cette histoire d’amour absolue au milieu des bruyères (heath ou heather en VO) battues par les vents.

Soient deux familles prospères, les Earnshaw et les Linton vivant à quelques kilomètres de landes. Lorsque Earnshaw introduit dans la maison un petit gamin trouvé dans la rue, c’est l’avenir des deux familles qui bascule. Heathcliff, a le tempérament sauvage qui s’accorde avec celui de Catherine Earnshaw, la fille de son protecteur. Entre les deux, c’est une histoire d’amour passionnelle qui se joue même s’ils ne le découvrent pas tout de suite. Catherine se marie avec un Linton, rendant Heathcliff fou et avide de vengeance. L’enfant des rues devient créature diabolique, et sa soif de vengeance passe par l’extinction des deux familles et leur anéantissement financier. Tout ça se terminera par du mariage consanguin digne des plus grandes tragédies grecques. Pôpôpôpôpô, que c’est beau.

Ed. Rivages

Chronique livre : Divers polars

Vous allez croire que je ne lis que ça, mais tant pis, je prends le risque ! Je n’ai pas envie de vous faire de très longues critiques de mes dernières lectures, mais juste un petit message pour vous parler en vitesse de mes quatre derniers coups de coeur en polar. Quatre polars, quatre styles totalement différents.

Tout d’abord, Droit de Traque d’Hubert Corbin (Livre de Poche). Un jeune délinquant noir se retrouve perdu au milieu de beaufs blancs et chasseurs de l’Ouest américain. Un crime est commis, il est un bouc émissaire idéal. Il réussit à s’échapper, et la traque commence. C’est trash, cruel, et haletant. Ca sent la sueur, la poussière et les instincts primitifs. Âmes sensibles s’abstenir !

Soul Circus, de George P. Pelecanos (Points) est une histoire très sombre dans le milieu des dealers des quartiers noirs de Washington. C’est un peu rugueux, pas forcément très facile d’accés. Mais passées les 30 premières pages, on se retrouve happé par ces multiples histoires, bousculé aussi, 95% des personnages sont noirs, et on n’a pas l’habitude, ça fait du bien !

Lincoln Lawyer (La Défense Lincoln) de Michael Connelly (Seuil)…Ahhhh Michael Connelly, un des rares auteurs dont j’ai lu tous les livres, dont j’attends avec impatience les nouveaux opus, bref, dont je suis accro ! Avec cette histoire, Connelly surprend et change de cap. A la place de ses héros récurrents habituels, on rencontre ici Mickey Haller, avocat frimeur, et à la moralité légère, qui se trouve pris dans une tourmente dont il se serait bien passé. C’est brillant, jouissif, bien écrit (en V.O. en tous cas). Bref, du grand Connelly. Si vous ne connaissez pas cet auteur, n’hésitez surtout pas à vous plonger dans son univers, de préférence dans l’ordre chronologique.

Last but not Least, Shutter Island de Dennis Lehane (Rivages/Noir). Alors là, j’en suis encore sans voix. Ca démarre comme un polar classique, qui lorgne vers l’ambiance d’un film d’horreur. Dans les années 50, deux marshals doivent enquêter dans une île-prison-hôpital-psychiatrique, sur la disparition mystérieuse d’une pensionnaire de l’établissement. Je n’en dirai pas plus, juste que le dénouement est un des plus incroyables et inattendus que j’ai jamais lus. D’habitude, j’ai pas mal d’intuition, mais là je me suis fait avoir comme une bleue ! Et pourtant, en y repensant… mais chuuuuut, je préfère que vous le lisiez !

A noter également que Michael Connelly et Dennis Lehane, ont tous les deux vu un de leurs ouvrages (Créance de Sang, et Mystic River) portés à l’écran… par Clint Eastwood ! Si ce n’est pas un gage de qualité ça !

Chronique livre : La Reine de la Nuit

de Marc Behm
Editions Rivages Noirs

Pourquoi ça m’a tenté ?
En ce moment, un grand magasin culturel (dont le nom comprend quatre lettres, commence par un F et finit par un C), propose une sélection de ses polars préférés. Parmi eux, la Reine de la Nuit. Les employés de la F..C, qui choisissent les sélections et autres coups de cœur, notamment en littérature étrangère, sont en permanence bien inspirés et ont mon éternelle reconnaissance pour différents opus qui ont bouleversé (ben oui, jusque là) ma vie, ou du moins ma façon de l’aborder. Attirée par la couv’, la collection (Rivages Noirs), et surtout la quatrième de couv’, je me suis une fois de plus laissée tenter. Et bien m’en a pris.

Quoi qu’y a dedans ?
Dans les années 30 (et au-delà), une jeune fille allemande et érudite (Edmonde), un peu trop tôt orpheline pour s’être forgée une éthique à toute épreuve, se trouve embrigadée dans les SA, puis les SS. Elle traverse la vie, la guerre, croise de piteux personnages historiques et porte sur tout ça un regard distancié et désabusé, non dénué d’humour. Bien sûr de l’humour dans un livre où il y a des scènes de torture par la Gestapo, on rit jaune et on est très mal à l’aise dans nos pantoufles, vous vous en doutez bien.

Pourquoi c’est bien, voire même excellent ?
Edmonde est un personnage fort peu sympathique, malgré elle et à cause d’elle. Elle traverse la guerre grâce à son égoïsme forcené et son instinct de survie. Elle est évidemment abjecte, mais quelques éclairs d’humanité et de décence la font parfois sortir de « l’aveuglement de survie » qu’elle s’est forgé. Elle est un protagoniste actif d’une Histoire qu’elle n’a pas choisi, de l’utopie désaxée d’un homme fou, de l’assoupissement d’un peuple entier. Edmonde, à notre époque, aurait été notre voisine de palier, tout à fait vivable, un peu brutale peut-être, au cynisme noir, et pas toujours très sain, mais bon, quelqu’un de très fréquentable tout de même. Bref, ce personnage nous renvoie évidemment à nous même, et au fameux « Qu’aurions nous fait si… ? » « Et si j’étais né en 17 à Leidenstadt ? » (ouh là je m’égare). Ce roman pose un visage sur le nazisme, abolit les distances à l’Histoire, fait tomber les barrières et nous balance en pleine poire notre statut de juge-voyeur face à ce passé, pas si lointain que ça.

Ce qui empêche ce roman d’entrer dans mon Panthéon (mais peut-être pas dans le votre)
Tout d’abord il faut avouer qu’il y a tromperie sur la marchandise. La Reine de la Nuit n’a rien d’un polar, c’est un roman, une fiction sur fond historique. Vue la qualité, on s’en fiche un peu, mais il ne faut pas chercher ici d’intrigue policière.
Ensuite, Marc Behm a dû avoir une violente poussée (enfin des violentes poussées) de testostérone durant l’écriture de La Reine de la Nuit. En effet, son héroïne est lesbienne (jusqu’ici tout va bien), et elle a une vie sexuelle intense,  intensément décrite (jusque là tout va encore bien), mais surtout, elle est décrite de manière toute masculine, et là, j’avoue que ça coince (ben voui, chuis une fille). On ne compte pas le nombre de fois où l’héroïne « empale de sa langue », « enfoncée bien profond », combien de fois elle « explose de jouissance » etc. etc. En gros, pas de subtilité ni d’érotisme émoustillant (pour moi, mais les mecs auront peut-être un avis tout différent) dans les scènes de sexe. Et c’est ballot quand même.

En conclusion
La Reine de la Nuit est un roman hautement prescriptible, qui se dévore de bout en bout. La fin est sublime, monstrueuse et terrifiante de folie humaine et console des quelques faiblesses précédemment citées. Quant à savoir si ça finit bien ou mal, je vous laisse seuls juges.