de Mariette Navarro.
Chronique publiée initialement dans le numéro 31 de l’indispensable Revue Dissonances.
C’est une trajectoire qui sans faire de bruit s’enfonce dans la glace et, dans la chaleur du soleil, reprend son envol. C’est un mystère textuel, un miroir aux multiples facettes, un insaisissable poème en prose composé de deux parties radicalement opposées et pourtant intimement liées. La première entremêle deux voix. Celle d’un « Ils » d’abord. Ils, qui perdent leur chemin, se perdent eux-même, se font grignoter impuissants par le quotidien, et dont les liens aux autres se brisent insidieusement.
Chaque jour un nouveau mot se dérobe à eux, ils ne comprennent plus les phrases auxquelles ils doivent obéir.
Et puis il y a cet Ici qui t’accueille en son sein étincelant de propreté et de contrôle. Cet Ici qui ausculte et solutionne, qui régule et répare, qui te propose avec une bienveillance d’être
la barrière de tes débordements. Le ciment pour combler tes lacunes.
La seconde partie met en scène un « IL » irrésistible, bavard et solaire, capable de faire s’arrêter la pluie d’un doigt, et IL entraîne dans son sillage un homme entre parenthèses qui a déjà presque cessé de vivre. Alors IL l’accompagne dans une folle promenade, et, d’un coup, fait rentrer de l’air dans ses poumons.
Enfin quelque chose a mis fin au tangage. A l’envie de vomir mécanique et permanente. Enfin on redécouvre qu’il y a du vertical.
Ainsi, Mariette Navarro offre au lecteur un espace de projection, construit un dispositif formel subtil et maîtrisé où percent l’intime, la douleur, la violence et la joie. Rien de plus vrai, rien de plus touchant:
Tu gueuleras, on te bousculera, te plaira, en te frôlant on hurlera de désir et ce sera déjà pas mal pour la première nuit.
Ed. Cheyne éditeur