Chronique théâtre : Septembres

De Philippe Malone
Mise en scène Michel Simonot
Avec Jean-Marc Bourg et Franck Vigroux (musique).

8800120159

Photo : PM

Je vous avais déjà prévenus ici, la mise en scène de Septembres risquait de faire date. Et ce sera probablement le cas … malgré quelques réserves. Il fallait un courage certain et certainement un bonne dose d’inconscience pour s’attaquer à ce texte magistral, à la fois limpide et ardu.

Le parti pris audacieux, casse-gueule et évident de vouloir mêler intimement le texte à de la musique est judicieux. Les mots de Malone, travaillés, ciselés au millimétre, ont une rythmique interne d’une rare puissance. Ça se bouscule, s’entrechoque, tourbillonne, s’arrête, repart, et tout ça dans un seul souffle. On est happé par cette spirale, étourdi, perdu parfois, mais finalement, on se retrouve, bousculé, les émotions en vrac. Franck Vigroux a parfaitement compris le processus. Avec ses machines, ses boîtes à klong, ses pédales à burp, et sa guitare, il produit une partition d’une incroyable puissance qui prend aux tripes, épouse le texte, ou vient au contraire le malmener. C’est grand.

Le souci vient d’ailleurs : une mise en scène assez floue et une manière de dire le texte, heurtée, fractionnée. On sent le travail de Jean-Marc Bourg colossal de précision mathématique, pour réussir à extirper tout son sens du texte. Le résultat est le découpage de cette unique phrase, sans aucune ponctuation, en plusieurs chapitres bien distincts, durant lesquels les mots sont clamés, martelés. Cette recherche obsessionnelle du sens et l’utilisation perpétuelle de l’amplification est, à mon sens, un contresens. Elle brise toute l’intimité du texte, son flot naturel. Le texte de Malone est suffisamment puissant pour qu’on le comprenne sans qu’on ne nous l’explique. C’est justement là sa force, ce souffle incroyable qui fait naître le sens de l’émotion, elle-même jaillissant du chaos et de l’harmonie des mots. Manque de confiance vis à vis du texte, ou plutôt besoin viscéral de tout contrôler, Jean-Marc Bourg livre au final, une prestation assez rigide, brisant la rythmique interne naturelle des mots et qui ne réussit qu’en de rares occasions à faire jaillir une émotion pourtant débordante.

Reste un projet incroyablement audacieux, à la puissance textuelle et sonore indéniable, mais qui au final se cherche encore un peu. Affaire à suivre.

Pour aller plus loin avec Septembres sur Racines : ici.
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et là aussi.

 

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