de Joan Didion.
Ah la la très difficile d’écrire cette chronique. Si j’étais un tantinet superstitieuse, je dirais que les malédictions existent et qu’il y en a une qui plane par là. C’est une amie très chère, fort cultivée et au goût très sûr qui m’a offert ce livre. Et chaque fois (ou presque) qu’elle me conseille un livre, après l’avoir entamé avec gloutonnerie, force est de constater qu’il me tombe des mains. Celui-là devait être le livre qui rachèterait tous les conseils précédents, celui que je ne pouvais pas ne pas aimer. Bon c’est encore loupé. N. ne nous décourageons pas, je suis sûre qu’un jour ça marchera.
Ne connaissant pas du tout Joan Didion, c’est d’un oeil totalement neutre que j’ai entamé L’année de la pensée magique (titre déjà pas terrible me semble, mais bon). Cette année-là donc, Joan Didion n’a pas vraiment eu de chance : elle perd son mari d’une crise cardiaque, et sa fille tombe gravement malade. Visiblement cette grande intellectuelle est une femme forte, genre une super-woman, et le deuil provoque chez elle des phénomènes dont elle n’a pas l’habitude : retours en arrière continuels, incohérence du comportement… ce qu’elle supporte avec beaucoup de difficulté. Ne comprenant pas ce qui lui arrive, elle se plonge dans des ouvrages sur le deuil pour essayer d’analyser ce qui se passe en elle. Le livre devient alors une suite quasiment ininterrompue de digressions sur la vie en commun de Didion et de son mari, entrecoupées de références sur le deuil, ou sur la vie en général.
Ecrit un ans après la mort de son mari, L’année de la pensée magique est clairement une catharsis pour l’auteur, incapable de faire face à ses émotions (qui semble d’ailleurs plus encline à analyser ses émotions qu’à les vivre pleinement). La démarche est totalement personnelle, tout à fait respectable, et probablement salvatrice pour Didion. Malheureusement, elle nous propose de lire ses états d’âme, ou plutôt ses pensées et réflexions. Et c’est là que ça coince. Didion écrit pour elle, pas pour ses lecteurs, dans une espèce de monologue intérieur décousu. Rameutant dans ses propos ses connaissances et amis (visiblement nombreux), ses références culturelles (visiblement nombreuses), ses souvenirs avec son mari (visiblement nombreux), elle n’ouvre jamais la porte au lecteur, écrivant de manière opaque, obscure, absconse (oui tout ça à la fois). On est complètement perdu, on ne comprend rien au message qu’elle veut nous transmettre (ou plutôt à ce qu’elle cherche à éclaircir en elle), on relit les pages vingt fois pour essayer de discerner ce qu’il y a à extraire de son verbiage chichiteux, et qui apparaît au final assez prétentieux. Le personnage de Didion, au lieu d’apparaître émouvant dans son deuil et sa quête de lumière, semble assez antipathique : superwoman à qui tout a réussi dans la vie, visiblement peu capable de se remettre en question ou d’écouter les autres, d’éprouver de l’empathie pour les autres et qui, pour la première fois de sa vie est confrontée à un drame. Son niveau d’auto-analyse (pour ce que j’ai pu en comprendre, vu que je n’ai pas compris grand chose) est incroyablement faible (oh lala perdre quelqu’un, ça fait péter les plombs. Ah bon ?), et n’est nullement compensé par une écriture intéressante.
On aurait aimé un peu plus de coeur, de sentiments intimes, de tripes, au lieu de toutes ces digressions. On se demande bien ce qui a pu pousser l’auteur à vouloir publier ce texte, fort respectable dans sa démarche de tentative de guérison, mais trop personnel et superficiel pour vraiment raisonner au coeur, à l’intime et l’universel du lecteur. Déception déception. Allez, la prochaine fois sera la bonne.
Oh que oui !!! çà doit être difficile d’écrire cette chronique !!!
Ecrire
Gérard : bon c’est pas non plus le bagne, c’est que du plaisir d’écrire