d’Eleanor Catton.
Dans un lycée de filles, une élève de terminale est abusée (ou pas?) par son professeur de musique. Elle est encore mineure, et la découverte de cette relation met le lycée en émoi : cellules de crises, séances collectives avec le psychologue du lycée, mais surtout révélateur de toutes les interrogations adolescentes sur le tabou absolu, la sexualité. En parallèle, une nouvelle année commence à l’institut d’Art dramatique, durant laquelle les élèves de première année doivent monter une pièce de fin d’année. Ils choisissent pour provoquer, un fait divers local : le viol d’une lycéenne par son professeur de musique…
La mécanique mise en place par Eleanor Catton est vertigineuse. Pour raconter la première histoire, on assiste aux cours de saxophone, dispensés par une professeur ambiguë à trois de ses élèves : elle écoute les confidences de ces trois jeunes filles, qui se cherchent et qui s’interrogent. Dialogues machiavéliques, vénéneux, très écrits, “mis en scène”, on doute vite de la réalité de ces scènes. L’irruption de la deuxième histoire ajoute au trouble. On ne sait pas vraiment ce qui relève de quoi, où est la réalité, où est la scène. Les pistes sont brouillées. C’est absolument brillant au niveau de la construction.
Son processus permet de brasser tout un pan de l’adolescence, complexe, confuse car se cherchant toujours : l’éveil de la sexualité. Rien n’est laissé au hasard, tout est signifiant dans le livre, jusqu’au choix de l’instrument de musique, le saxophone, symboliquement hautement sexualisé. C’est trouble, entre naïveté et perversion, avec la volonté de, si ce n’est briser, mais plutôt interroger les notions de “tabou” et de “domination”. Chaque personnage est un pion dans un jeu, et essaie d’exister par lui-même, de dépasser ses tabous, sans comprendre qu’il est soumis à une domination qu’elle soit interne (les “impératifs biologiques”) soit externe (les enseignants notamment, professeurs de musique, de théâtre, mais également parents, collègues de lycée…).
L’écriture est incroyable de maîtrise : tranchante, acérée, Eleanor Catton réussit un mélange parfait entre une langue très écrite, très théâtrale, notamment dans les dialogues, et une langue adolescente, hésitante, tâtonnante, pleine de doutes. L’exercice est réussi. Le livre est brillant et passionnant. Mais pourtant, il m’a manqué un petit quelque chose, quelque chose d’un peu vivant, de frémissant. A force de construction et de contrôle, Eleanor Catton a composé un roman glacé, maîtrisé, tout entier dédié à la notion de domination. Elle-même domine son sujet, presque trop, passant à côté de l’équivoque qu’elle visait probablement pour frôler l’univoque. C’est une variation virtuose autour de son thème, c’est sûr, mais au bout du compte le roman semble complètement dénué de plaisir (d’écrire, des corps), d’exaltation, de vie.
A lire cependant pour cette vertigineuse mise en abîme des tourments adolescents, pour l’intelligence de la construction et de la réflexion.
Une réflexion sur « Chronique livre : La répétition »