Chronique livre : Dans les Cités

de Charles Robinson.

Comment manifester un territoire mental ?

Dans-les-citesUn cabinet d’architecture est mandaté pour gérer la démolition et la reconstruction d’une cité de banlieue. Prudent, il demande à un ethnologue de prendre le pouls de la cité. L’homme, convenablement introduit, rencontre des gens, s’immerge dans cette cité, sa géographie, sa vie (ou plutôt ses vies), et loge chez sa sœur, habitante de la cité, qu’il surnomme affectueusement l’Opossum.

Dans les Cités est une immersion en trois dimensions dans l’univers de ces zones mal-aimées, dénuées d’Histoire, et pourtant porteuses de toute une mythologie. Charles Robinson compose un roman hybride, entre fiction et essai, entrecoupant flash-backs, rencontres avec les habitants de la cité, ou encore d’autres récits relatifs à la cité : visite des politiques, vie nocturne d’une adolescente. C’est ultra-documenté, accumulant détails passionnants sur la vie dans cette cité, la manière dont ses habitants occupent les espaces et construisent avec elle, ou malgré elle, leurs propres histoires. Les habitants sont comme des robinsons dans cet univers de béton, coupés de la société extérieure et obligés de créer leurs propres mondes, codes, règles. La nature a horreur du vide.

Les parties fiction sont également très réussies et permettent à l’ensemble de tenir debout, d’acquérir de la cohérence. Les rencontres entre l’ethnologue et sa sœur sont particulièrement bien senties et émouvantes. Passionnant, le roman est parfois aussi hilarant, avec cette description du commando de Bio-Goths, menant des raids pour replanter des choux et des laitues dans cette cité minérale. Le final, pour le moins dérangeant, apporte beaucoup d’ambiguïté à cette entreprise titanesque, ambitieuse et parfois touffue.

Mais c’est surtout le travail sur la langue qui est absolument sidérant. Qu’il retranscrive le parler des cités, qu’il analyse son fonctionnement ou qu’il nous raconte juste une histoire d’amour, Charles Robinson touche juste à chaque fois. C’est virtuose. Dans les Cités est donc un roman assez génial, malgré ses quelques longueurs, aussi fascinant, complexe et vertigineux qu’ambigu. Une grosse claque.

Ed. Seuil

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