de Loïc Merle.
Une cité, les Iris. Un homme meurt dans la rue. Cette mort est le déclencheur d’une révolte qui bientôt gagne tout le pays. De la propagation de la révolte, on ne verra rien, elle est traitée en arrière-plan de l’histoire de deux personnages : Clara, égérie en carton-pâte de la révolution, et Henri Dumont, le président de la république.
Le roman est constitué de quatre parties (Iris/Clara/Dumont/Clara en gros) d’une densité considérable, pas de paragraphe, pas de respiration. Les phrases s’allongent démesurément, essayant de capter le vertige, de l’ivresse, qui habitent les individus, avant de disparaître, laissant en eux un vide immense, des incertitudes. Le révolte apparaît alors la somme des trajectoires et énergies individuelles, entrant en fusion à un moment donné.
L’esprit de l’ivresse me pose véritablement un problème. L’intention y est, sans aucun doute, l’ambition aussi. On sent que Loïc Merle cherche à trouver par l’écriture quelque chose de cet “esprit de l’ivresse” du titre, avec ces phrases infinies, parfois obscures, ces changements de rythme, cette densité de texte. Cette densité justement rappelle certains des plus beaux romans publiés par Actes Sud, le magnifique Zone de Mathias Enard par exemple, ou encore, dans un genre totalement différemment, l’impressionnant CosmoZ de Claro.
Mais malgré cette très intéressante intention et ce parti-pris d’écriture consciencieusement mis en œuvre, il m’a été impossible de rentrer dans ce livre ne serait-ce qu’une seconde. Encouragée par une presse enthousiaste, j’ai persévéré, mais rien à faire. Trop de maladresses, de naïveté, de lieux communs dans ce texte qui jamais n’arrive à trouver un souffle, une cohérence, une direction. Ça se perd à force de faire long et compliqué et l’intention finit étouffée par cette avalanche de mots pas toujours maîtrisée. Il manque une certaine sincérité et une maturité littéraire, deux ingrédients qui auraient pu faire de ce livre le témoignage poignant des cris assourdissants des hommes qui souffrent, cherchent, basculent, bousculent, renversent.
Loïc Merle est jeune, et on le suivra avec intérêt, mais pour l’instant, honnêtement, je n’ai pas atteint ne serait-ce que la lisière de l’esprit de l’ivresse.
Ed. Actes Sud