Chronique film : Dans la cour

de Pierre Salvadori.

danslacour-800Depuis toujours, assez fan du cinéma de Pierre Salavadori que je trouve très élégant et humain. Dans la cour vient renforcer mon affection pour ce réalisateur. Antoine cherche à disparaître, gardien d’immeuble, voici un métier qui lui va bien : nettoyer, ranger, rester invisible au monde. Mais difficile de rester hors du monde quand le monde autour de vous ne va pas très bien non plus. Entre le voisin obsédé par ses voisins, le vigile illuminé, l’ex-footeux shooté et la retraitée punchy qui se fissure, Antoine a bien du mal à tout gérer.

Ce qui est très beau dans le cinéma de Salvadori, c’est la façon qu’il a d’aborder les trajectoires de ses personnages, de ne pas les figer dans un stéréotype, dans une fraction de leur vie ou de leur personnalité, mais de capter leurs évolutions psychologiques, sensibles, et la façon dont leurs trajectoires sont influencées par le contact aux autres. Comme un jeu de quilles émotionnel, les trajectoires des personnages s’enchevêtrent à l’image des branches de ce florissant rosier grimpant subtilisé et planté par Antoine dans la cour de son immeuble.

Les personnages de Pierre Salvadori ne sont donc pas univoques, et ce qui intéresse le metteur en scène, c’est l’irruption de la fragilité, de la faille, du faux-pas, de l’erreur dans une certaine “normalité sociale”. Ainsi, Mathilde, pimpante et hyper-active septuagénaire commence à dériver et plonger dans la folie en voyant apparaître une fissure dans son appartement. Pierre Salvadori ne cherche pas à expliquer pourquoi cette fissure provoque ce déraillement dans la trajectoire de Mathilde. Il se contente d’accompagner ce basculement sans jamais se placer au-dessus de ses personnages, comme dans cette magnifique scène où Mathilde retourne dans sa maison d’enfance et qu’elle ne supporte pas les changements qu’y ont apporté les nouveaux propriétaires. Cette posture d’accompagnateur qu’utilise le réalisateur, à la fois proche et distante et qui peut ressembler à celle d’un Depardon par exemple, lui permet de trouver un ton très juste, sans pathos inutile mais sans froideur non plus.

J’aime vraiment beaucoup ce cinéma, minimaliste et subtil, porté par une réalisation à hauteur d’homme et une interprétation parfaite.

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