de Moreau.
Chronique publiée initialement dans le numéro 28 de l’indispensable Revue Dissonances.
Une famille : deux frères, la mère et le père. De ces quatre-là, Moreau nous fait entendre la voix de trois. Un des garçons d’abord, « L’UN », qui parle à son frère, « l’autre », la mère ensuite et enfin le père.
« Je sais que je suis un idiot / Je sais ça / Je sais / J’ai toujours su ça que je serais ton idiot ».
On remonte l’histoire de cette famille à travers ces trois monologues et les ruines des êtres, on reconstitue notamment le puzzle de cette relation ambiguë entre les deux frères que L’Un nous livre dans un premier texte bouleversant. C’est une litanie, une catharsis, la parole longtemps ressassée de L’Un qui se tait et qui est si peu face au jugement, face à la brillance, face à l’éclat de l’Autre :
« Et tu parleras de Beckett / Je sais ça / Je sais ça qu’il te faut toujours parler de Beckett ».
Il y a dans ce texte une force étonnante née de la blessure, du silence et de l’ombre. La prise de parole est en elle-même un acte fort et l’écriture de Moreau possède une frontalité et une sincérité déchirées. Ses mots sont posés, des constats, implacables mais presque apaisés, nés d’une longue construction par le regard de l’autre, une construction dans la violence et la douleur silencieuse.
Les trois monologues révèlent ainsi les courants, les vibrations internes individuelles au sein de la cellule familiale et les lignes de forces et de failles qui en relient les membres, des liens qui forgent et détruisent, mais maintiennent en équilibre instable cette famille. Jusqu’à sa rupture :
« Je vous ai regardés. / J’ai compris que quelque chose était détruit ».
Ed. Théâtre ouvert