de Nancy Huston
Ahhh que ça fait du bien de lire des choses bouleversantes. J’avais été éblouie et tourneboulée par son dernier roman (Lignes de faille, dont je n’ai pas fait la critique – mea culpa – mais Gols l’a emballée-pesée ici). Je me suis donc jetée sur Dolce Agonia.
J’avoue avoir eu un peu de mal à rentrer dans cette histoire si dense, et pourtant si courte. Beaucoup de personnages, de digressions, et autres flash-back, une lecture hachée, m’ont obligé à reprendre parfois quelques pages en arrière pour faire un point sur qui est qui, qui fait quoi. Mais bien vite, on s’adapte à ce rythme si particulier, ces vagabondages de l’esprit, ces voyages aux tréfonds des souvenirs.
La trame est pourtant déroutante de simplicité et d’intelligence. Sean, écrivain et professeur d’université, invite 12 de ses amis à dîner. Chaque chapitre, correspondant à une partie de la soirée, est entrecoupée par l’intervention de Dieu qui explique de quelle manière il va les faire mourir, un par un. On sait donc une chose sur ces gens qu’ils ignorent, tandis qu’ils nous apprennent, de part leurs comportements, réflexions, et souvenirs, tout ce qu’ils sont, ou ont été.
Malmenés, odieux, émouvants, humains, ou inhumains, rien de leurs émotions ou turpitudes ne nous échappent. Cette plongée au plus profonds des être est magnifique, et le regard porté sur ces personnages par Huston est admirable de tendresse. Pourtant, ils sont bien petits et mesquins ces intellectuels, mais apprendre à les connaître, c’est apprendre à les aimer. On sait tout de ces gens en à peine 500 pages, tapées en police 20, c’est extrêmement brillant, et riche. Ce livre contient autant de films qu’il y a de personnages, tant de concision, tant de matière si intelligemment utilisée, ça mérite un respect profond.
Encore une fois la littérature d’outre-Atlantique me fout une grande claque dans la gueule, et un grand coup de point dans le ventre, et me fait chialer dans le train. Ca devient une habitude.