de Claire Duvivier
Chronique initialement publiée dans la glorieuse revue Dissonances
Gémétous, ma hiératique, c’est pour toi que j’allume cette lanterne, que je sors ces feuilles, que je trempe cette plume dans l’encre.
Dès la première phrase du roman, Claire Duvivier intrigue : qui donc peut bien être cette créature immuable à qui le narrateur dédie son récit et sa tendresse ? Il faudra tout un roman pour le comprendre. Rien ne sert de courir, semblent nous dire l’auteur et son héros, Liesse, fils répudié d’un village insulaire perdu au sein d’un archipel sous la coupe d’un Empire décadent. Pas de trolls, pas de dragons ici, mais un monde réaliste, avec ses lois, ses cultures, ses langues, ses petites et grandes histoires. Ce récit élégant, sans esbroufe, sans didactisme, pose son décor, ses personnages, son atmosphère en prenant son temps. Et le temps c’est justement le cœur du voyage : que signifie-t-il quand il n’existe plus, quand deux temporalités se rejoignent, se superposent, se confrontent ? Que se passe-t-il quand le passé s’impose dans le présent, quand les légendes envahissent aujourd’hui en ignorant le passage des saisons ? Les questions posées par Claire Duvivier en filigrane de son récit sont bien évidemment très actuelles et politiques : colonisation, place de l’Histoire dans la construction d’un avenir que l’on espère commun… Combien de sang versé au cours de ce long voyage ici et là-bas. Mais tout cela est réalisé avec beaucoup de grâce, d’intelligence et de subtilité. Et puis sans doute, ce qui compte parfois, c’est aussi de savoir que toutes les bonnes choses ont une fin :
C’est celui-là, le moment précis où j’ai su que je devais écrire ce récit, que je termine ici.
Ed. Aux forges de Vulcain