Chronique livre : L’été de la vie

de J. M. Coetzee.

Qui est l’autre ?
Clique.

Voilà une jolie balade dans l’Afrique du Sud des années 70 que nous propose J. M. Coetzee, prix Nobel de littérature en 2003. Après deux livres plus ouvertement autobiographiques, mais que je ne connais pas, Coetzee nous propose cet autoportrait en creux au travers des témoignages de quatre femmes et un homme qui ont croisé sa route dans les années 70, période durant laquelle il a commencé à écrire. Réalité ou fiction, on ne sait pas démêler le faux du vrai, mais l’intérêt du livre réside essentiellement dans le décalage entre ce que l’interviewer aimerait bien entendre sur l’auteur, dont il connaît la façade publique (auteur de nombreux romans, nobellisé etc.), et ce que raconte les interviewés.

Bien loin de peindre le portrait d’un intellectuel séduisant et fascinant, les connaissances de la vie de Coetzee sont unanimes : dans les années 70, Coetzee avait tout du raté total, et ce dans tous les domaines. D’un point de vue professionnel (enseignant par défaut, sans vocation, sans charisme, et par intermittence), familial (il s’occupe de son père parce qu’il n’a nulle part où loger, toute sa famille le prend pour le maillon faible), ou sentimental (amant minable, ou éconduit, sans trace de sensualité), il n’y a aucune partie réussie dans la vie de l’auteur. Le constat est assez drôle, les interviewés livrent progressivement leur jugement, toujours dur au final. Mauvais amant, distant, froid, plongé dans son monde intérieur mais incapable de réussir à le transmettre, Coetzee apparaît sous un jour peu favorable. Pas grand chose à sauver dans ce gars si l’on en croit toutes les personnes qui gravitaient autour de lui.

Tentative d’auto-apitoiement ou autoportrait plein d’humour ? On ne sait pas vraiment quel est le but poursuivi par l’auteur. Peu importe, finalement, le portrait apparaît pudique et taquin, et on passe un bon moment à lire ces “interviews” fictives, qui en apprennent autant sur les interviewés que sur l’objet de leurs propos. Le livre interroge également sur le regard de l’autre, sur la subjectivité du point de vue des gens extérieurs par rapport à ce qu’on vit, ce qu’on ressent, sur la difficulté à communiquer, sur la condition humaine en général, solitaire et incomprise. C’est profond et léger à la fois, et on passe un moment, certes pas exceptionnel, mais très agréable en compagnie de Coetzee, aussi morne soit-il, soit disant.