de Lancelot Hamelin.
Un homme et une femme s’aiment d’un amour improbable. Il est réfugié à Sangatte, ingénieur, fin lettré, et rêve d’Angleterre pour trouver du travail. Il est Requeim (ou plutôt Requiem ?) fils d’une mère qui mourra en son absence, mari d’une femme qu’il laisse au pays et bientôt père d’un enfant à naître. Elle est Julie, infirmière pour la Croix-Rouge, et amoureuse de cette homme dont elle ne parle pas la langue et dont elle ignore tout.
De la chambre où ils font l’amour, à la plage où ils se rencontrent et où le corps de Requeim sera retrouvé noyé, une chaussette rouge serrée dans le poing, accompagnés par une mouette-poétesse, les personnages de Lancelot Hamelin nous racontent leur histoire personnelle, sensible, de manière presque factuelle. Histoire vraie ou mythique, peu importe tant le mythe s’abreuve de réalité pour atteindre l’universel.
La poésie débridée de Lancelot Hamelin alterne les passages intimes entre ses personnages, rencontre, amour, rupture, et la réalité de Requeim, son départ de chez lui, son voyage, son séjour à Sangatte, la promiscuité, les journalistes. L’histoire d’amour semble une parenthèse irréelle dans ce destin désespéré et tragique, mais nous rapproche des personnages pour en faire des victimes, symboles universels d’une Histoire trop grande pour eux.
La langue de Lancelot Hamelin, parfois d’une grande limpidité et luminosité, parfois, sombre et torturée épouse les contours de son sujet, l’aborde sous tous ses angles, fabrique des passerelles et compose un texte d’une belle cohérence derrière l’éclatement. Le centre de Sangatte a fermé ses portes il y a neuf ans déjà, mais on a l’impression que c’était hier tant le sujet de l’immigration est toujours sur le devant des médias. Vraiment un homme à Sangatte nous permet d’appréhender le sujet sous un angle rarement choisi, partant de l’homme pour atteindre l’universel, et à l’heure actuelle, ça ne me paraît pas facultatif.