Chronique livre : Fermer l’oeil de la nuit

de Pauline Klein.

Je ne sais pas pourquoi j’ai craqué, je sais pourtant bien qu’il faut se méfier des livres publiés par Allia et contenant le mot “nuit”. Donc chez Allia, en général, soit je tombe sur les “cérébraux” (Eric Chauvier, Bruce Bégout, Hélène Frappat…) et là, j’exulte, soit sur les jeunes femmes “ayant un peu de mal avec leur propre réalité et leur corporalité et fondamentalement sous-occupées” (Marina de Van) et là je pleure. Pauline Klein se situe à mi-chemin entre les deux catégories.

Une jeune femme emménage dans un appartement parisien. Elle ne fait rien de ses journées, reste enfermée presque tout le temps. Puis se découvre un demi-frère en prison avec lequel elle entame une correspondance. L’homme enfermé la pousse à sortir et à lui raconter ses sorties. Elle devient son extérieur. Dans le métro, elle croise un couple qui la fascine, elle est enceinte, il a une barbe. En sortant du métro elle comprend que le couple habite juste au dessus de chez elle. Ils sont artistes. Elle les écoute, puis les espionne franchement, avant de carrément pénétrer dans leur appartement, puis de faire la rencontre du peintre. Tout ça et plus encore en 127 très courtes pages.

L’art de la concision fait donc partie de la palette de Pauline Klein, qui déploie son complexe projet dans un format micro (le côté cérébral donc). Il est question d’enfermement et de liberté dans ce livre, d’identité et de réalité aussi. Tous les personnages semblent en effet coincés dans leur vie, soit mentalement, soit physiquement. Et Pauline Klein sonde ce thème et ses variantes avec un certain talent, et une écriture intéressante. Il y a même une très jolie idée dans Fermer l’oeil de la nuit, deux amants communiquant de manière éphémère par fausses pages wikipédia interposées, et une fin vraiment belle qui m’a presque émue.

Mais en même temps, et là c’est un rejet tout à fait personnel, je n’arrive pas à adhérer à ces personnages de jeunes femmes diaphanes mal dans leur peau, qui ne savent pas vraiment quoi faire d’elles-mêmes. Je suis sûrement bassement matérialiste, mais ces héroïnes qui ne travaillent pas, mais trouvent un appartement dans un claquement de doigt, qui n’ont rien d’autre à faire que d’écouter leurs voisins, ou de se gratter les croûtes, désolée, mais moi, je n’y arrive pas, ça m’agace fondamentalement. Pauline Klein écrit bien, c’est sûr, mais son écriture n’arrive tout de même pas à transcender suffisamment son sujet pour me faire oublier mon énervement. Enfin, à force de multiplier les variations sur son thème et les histoires dans l’histoire, on finit par ne plus très bien comprendre quel est vraiment le projet de l’auteur. Ça part au final un peu dans tous les sens, sans vraiment être centré comme il le faudrait.

Fermer l’oeil de la nuit finit par ressembler à un patchwork, dont certaines pièces ont de la valeur, mais dont le tout est plutôt mal cousu donc pas forcément très fonctionnel. Ça peut plaire et ça plaît si on en croit le presse. Moi j’avoue que ce n’est pas mon truc.

Ed. Allia