de Steve Erickson.
Pour prendre mon pied avec toi, clique.
Un livre dont le titre est un hommage à Alphaville de Godard sur un autiste au crâne tatoué d’une scène d’une Place au soleil qui passe sa vie dans les salles de cinéma, voilà qui était alléchant. Le livre d’Erickson est un peu un OLNI, qui déroute, agace, passionne tour à tour. Je vous avoue que je ne sais pas vraiment par quel bout le prendre. Le livre raconte le parcours de Vikar, un gars de Pennsylvanie qui arrive à Los Angeles pour assouvir sa soif de cinéma. Autiste, soumis à des attaques de violence quand quelque chose l’agace (du passif familial a furieusement tendance le hanter), Vikar comprend mal le monde qui l’entoure, découvre une ville, La ville du cinéma, désertée par le Cinéma (du moins l’idée absolue qu’il s’en fait).
Le début du livre est un peu laborieux, accumulant méthodiquement, de façon systématique des références cinématographiques (sans jamais donner les titres des films, accrochons-nous). C’est laborieux, mais justifié puisqu’on est dans la tête de Vikar, enfermés dans ces circuits neuronaux particuliers. Son crâne tatoué est à la fois un répulsif pour les gens qu’il croise et un objet de fascination et de sociabilisation. Vikar rencontre des gens, les bonnes personnes, qui lui permettent de travailler dans le milieu du cinéma, comme décorateur, puis monteur, un monteur de grand talent, complètement barré, qui “emmerde la continuité” et décroche même un prix du meilleur montage à Cannes (du jamais vu, imaginez !).
C’est dans ces passages cinéphiliques qu’Erickson touche quelque chose de très beau. Sa vision du cinéma, comme Art absolu, ayant toujours existé, comme monde en soi, parallèle au monde réel, est vraiment magnifique. On sent que le gars est un obsessionnel, qu’il tire du cinéma sa force, sa vie. Au milieu du livre, Erickson change de forme, change de rythme : les chapitres se mettent à défiler en sens inverse, Vikar s’enfonce de plus en plus loin dans son obsession, dans le Son (la musique qui fait mal aux oreilles) et le roman devient complètement addictif. Certaines phrases sonnent justes et mettent des mots magnifiques sur l’amour du cinéma “Aucun film digne d’être adoré ou détesté ne procure du confort”. En accélerant le rythme, et en bousculant sa forme, Erickson commet des maladresses en tirant son livre vers une sorte de “paranormal”. Dans le fond, c’est assez maladroit, mais la construction est tellement serrée, intelligente, qu’on ne peut s’empêcher d’adhérer.
Livre inconfortable, discutable, bancal et finalement passionnant, Zéroville donne une furieuse envie de cinéma et de littérature. Un grand pied.