Chronique livre : Forêt noire

de Valérie Mréjen.

Forêt NoireVoici un livre d’une gaieté extrême. On y croise que des morts. Accidentés, suicidés, c’est un catalogue de décès, des plus banals, aux plus absurdes ou tragiques. Et s’enchevêtrant à cette liste macabre, l’auteur imagine une balade dans les rues de Paris avec le fantôme de sa mère.
Le livre ne ressemble qu’à lui-même. Et cette sorte de litanie des morts dont on croise le chemin possède une espèce de douceur étrange, quasiment hypnotique, comme pour exorciser la peur de la mort, de l’absence, du manque.

On devine (peut-être à tort) d’après la quatrième de couverture que le livre est une illustration de la question “à quoi vous fait penser une forêt noire ?”. La “forêt noire” induit dans la psyché de Valérie Mréjen l’irruption de fantômes, mais également des réminiscences d’enfance et d’adolescence, dans un mélange de légèreté et de gravité tout à fait à l’image du livre.

Il n’est parfois pas évident de discerner ce qui relève de l’autobiographie ou de la litanie macabre, mais une grande homogénéité se dégage pourtant de l’ensemble. Les personnages se suivent, sans lien apparent, à part cette proximité et/ou ce contact avec la mort. Valérie Mréjen a choisi un style neutre, presque distant. La référence à Depardon prend tout son sens, dans cette démarche de recherche d’une sorte d’objectivité humaniste, qui n’est pas synonyme d’absence de regard ou de point de vue, mais bien la mise en avant du sujet et non du narrateur/réalisateur.

Et puis ce qui m’a particulièrement touché, c’est cette attention portée aux détails les plus anodins du décor. Quelques soient les circonstances, l’esprit de Valérie Mréjen se concentre sur une poignée de porte, l’anse d’une tasse, un poster au mur, une image de cinéma ou encore une référence populaire. Et cette manière de mettre en lumière le trivial, l’insignifiant est particulièrement juste, parce que c’est bien ça qui, dans ce contexte d’irruption de la mort, s’imprègne dans l’esprit, hante les souvenirs, et finit par faire sens. Un livre juste, touchant, grave et lumineux.

Ed. P.O.L

Chronique livre : Trois quartiers

de Valérie Mréjen.


Clique pour voir comme j’ai vachement d’inspiration.

Très jolie surprise que ce court volume, regroupant trois nouvelles de Valérie Mréjen, vidéaste, photographe, plasticienne et écrivain (c’est pénible quand même ces gens qui savent tout faire non ?). La première nouvelle consacrée à son grand-père, et par extension à toute sa famille, la deuxième à son amour pour un gars qui ne le vaut pas – l’Agrume -, et la dernière une variation autour des humeurs de son père, constituent un ensemble cohérent et un joli portrait en creux de son auteur.

Basées sur un processus simplissime, succession de petites phrases descriptives, entendues ou vécues, Trois quartiers pourrait vite tourner à vide autour de cet exercice de style. Ce n’est pas le cas, et ce catalogue de petites sentences souvent très basiques dans leur écriture, voire parfois même assez maladroites, finit par convaincre, puis fasciner, puis bouleverser, tant ces petites choses quotidiennes par leur caractère dérisoire, personnel et universel, font résonner quelque chose de très vrai et de très profond.

La nouvelle centrale, L’Agrume, est vraiment une belle réussite. Valérie est amoureuse de l’Agrume, petit gars maniaque et étrange, qui la trompe sans vergogne, et l’utilise façon kleenex. Par ses petites phrases et micro-saynètes, Mréjen parvient à cerner l’absurdité évidente de cet amour, cet aveuglement volontaire, qui la pousse à accepter n’importe quoi pour quelques moments de douceur. Alors évidemment, ça fait vibrer la corde sensible.

Putain, qu’est ce que c’est con l’Aaaaaamour quand même.