Chronique livre : Moby Dick

de Herman Melville

C’est sur les conseils du précieux et pointu d’un avisé ami que je me suis lancée dans la téméraire aventure qu’est la lecture de Moby Dick. On ne présente plus ce roman de quelques 732 pages (préface Gionesque comprise).

Ishmaël, seul survivant de l’équipage du Péquod, navire baleinier, raconte l’histoire qui a conduit au naufrage. Achab, le capitaine du vaisseau, s’étant fait grignoter la jambe par un cachalot blanc, monstrueux et légendaire surnommé Moby Dick, et l’ayant assez mal vécu, décide d’abattre la baleine coûte que coûte. Il entraîne dans cette chasse folle et éperdue tout ses hommes.

Bon. L’histoire tient en 3 lignes, le livre en 732, vous vous doutez bien qu’il y a dilution. Admirablement bien écrit, Melville, par souci d’exhaustivité, dresse un tableau complet de la chasse à la baleine. Description du navire, des baleinières, de chaque métier sur le bateau, liste complète du stock de boustifaille (ils ne se marraient pas trop des papilles les marins, faut avouer), du code baleinier (là, on atteint un sommet puisque le code baleinier ne possédant que 2 articles, et le chapitre 50 pages de jurisprudence baleinière), de l’anatomie de la baleine, du traitement qu’on lui inflige… bref, pour peu qu’on ait un tant soit peu de mémoire, on devient très savant, et on se sent tout prêt à aller massacrer de la baleine.

Il faut bien avouer, qu’en tant que nana, écologiste, biologiste, pacifiste du XXIème siècle, tout ça est assez insupportable, d’abord car il y a des énormités scientifiques (oui, je sais, c’est pas la même époque, blabla blabla, n’empêche, ça me tord les tripes quand je lis que la raréfaction des baleines n’est qu’une vue de l’esprit, c’est juste qu’elles se planquent parce qu’elles n’aiment pas être dérangées), et puis c’est long… très long… très très long.

Bon, en même temps, en dehors des descriptions, sur les quelques dizaines de pages qui restent, on est dans le génie pur, un art de la formule qui cloue au fauteuil pendant de longues minutes, et qui fait griffonner sur n’importe quel bout de papier quelques mots à retenir. C’est un réflexion profonde sur la place de l’Homme dans la nature, et Dieu. Achab, en se lançant dans cette folie, se prend pour Dieu, voulant mettre à ses pieds les forces de la nature. L’incroyable prétention qui l’anime le pousse à la destruction. Le livre est également bourré de réflexions profondes, et cette fois-ci très modernes, sur les questions de tolérance, liberté de culte etc… C’est dans les dialogues, et les passages très théâtraux de la fin, que le roman acquiert une véritable dynamique. Les monologues d’Achab sont extraordinaires d’amplitude, de lucidité et de folie, une force malveillante le pousse au cataclysme, incarnée physiquement par une de ses sombres recrues. Bref, un chef-d’œuvre au souffle intermittent. Comme la baleine.

8 réflexions au sujet de « Chronique livre : Moby Dick »

  1. désolation et affliction

    Voilà…

    Le plus grand livre de tous les temps a été commenté par Anne.

    Et c’est Hermann qu’on assassine.

    Tant pis. Finalement, la vraie raison qui fait que je considère ce livre comme immense, c’est qu’il ennuie beaucoup de gens, qu’il m’est comme un trésor intime qui ne se dévoile pas aux autres. Qu’il est écrit pour moi seul.

    Comme « La Morue de Brixton » de Timour Sergeï Bogousslavski (conseil larvé, mais perdu d’avance), comme les tableaux sur la cathédrale de Rouen par Monnet, comme tous ces éternelles beautés qui restent droites malgré les critiques, « Moby Dick » reste dans mon âme, inattaqué.

    Sans rancune…

  2. Double Neu

    Gols : je me doutais de ta réaction affligée. Et j’en suis désolée. Je préfère aimer que m’ennuyer, mais voilà, les harpons, c’est pas mon truc. Je te ferai remarquer tout de même que je suis tes conseils consciencieusement, notés dans mon petit carnet. La ville et les chiens me réconcilie avec la littérature d’ailleurs… Derniere remarque en passant, peut-on adorer Herman et Monet et les affubler chacun d’un N de trop ? Y’a t’il un message subliminal derrière ce troublant doublement du N ? mmm, l’enquête est ouverte…
    Sans rancune pareil, et merci pour le nouveau conseil

  3. Moby

    Pascal : ah non, je l’ignorais ! merci du renseignement, peut-être les miaulements de Moby sont en fait des imitations de cachalot ?

    Aline : vas dire ça aux japonais !

    Lasiate : euh, je vais y réfléchir très consciencieusement, mais t’es dur ! Complétement contrastés comme sentiments !

    Didier : euh, ah bon ? explique ?

    Philippe : exact, grand bouquin !

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