d’Emmanuelle Pireyre.
Me voilà bien embêtée cher lecteur face à ce livre étrange. Féerie générale est une espèce de collage d’éléments hétéroclites, bouts d’histoires, de photos, de forums internet, le tout agencé de manière très sérieuse et bien ordonnée en chapitres et sous-chapitres thématiques. De cet assemblage savant Emmanuelle Pireyre a su dégager les liens entre les choses et les êtres, des liens très personnels, farfelus, dans une sorte de zapping mental géant.
(…) ; mais d’un autre côté l’infinité des histoires possibles, l’infinité des événements non classés, m’angoissait. Comme si le monde n’était pas déjà une pagaille irréversible suffisamment innommable.
La prouesse formelle est évidente, et le lecteur ne pourra que s’émerveiller intellectuellement, non pas des passerelles que l’auteur crée entre les choses, mais de la manière dont elle parvient à les expliciter. C’est comme si elle réussissait à coucher noir sur blanc le fonctionnement du cerveau de l’individu du XXIème siècle, sur-sollicité par des milliers de choses, et qui doit construire, à partir d’un morcellement de savoirs, ses bases, en essayant de faire émerger du bordel ambiant la cohérence du monde. Par sa forme et ses brides, Emmanuel Pireyre signe donc un “roman” ultra-contemporain, complètement dans l’air du temps.
(…) souffrance générale.
Mais, là où je suis bien embêtée c’est que, au-delà de la prouesse formelle, en tant que lectrice, je n’ai pas vraiment pris mon pied. Je dois même avouer un ennui assez total à la lecture de certains chapitres, notamment le premier et le dernier – c’est falot, ça gâche tout. Loin de m’emporter dans sa féerie, d’ailleurs plus proche de mes cauchemars que de mes rêves, le livre m’a traversé, ne me procurant aucune sensation, aucun plaisir particulier à part de temps en temps de l’agacement et de l’exaspération. Je n’adhère pas à cette sorte de fantaisie, elle trouve en moi un public assez hermétique.
Et lorsqu’ils ne comprennent pas les histoires, les gens s’effondrent, développent des maladies et font des dépressions.
Même si j’espère ne pas atteindre ces extrémités à cause de ce livre, Emmanuelle Pireyre a sans doute raison. J’ai sûrement, comme ces gens, si ce n’est besoin de comprendre, mais du moins d’appréhender la solidité des bases dans mes lectures, pour nourrir et consolider les miennes. Là, je ne discerne que l’intelligence de la construction, pas assez les fondations, celles qui donnent du coeur, de la couleur, de la douleur et de la vie aux mots.
Ed. Editions de l’Olivier