de Haifaa Al Mansour.
Sur le papier, ce n’est pas vraiment le style de film qui me branche, une chtite môme qui se bat contre les grands méchants adultes, moui. Mais dès les premières images, Wadjda possède une telle fraîcheur que les doutes se dissipent assez vite.
Wadjda donc, une petite saoudienne, gentiment rebelle, veut un vélo pour faire la course avec son pote. Mais en Arabie Saoudite, les femmes ne font pas de vélo. Elles ne conduisent pas non plus, elles n’ont pas le droit de montrer leur visage aux hommes, à peine si elles ont le droit de respirer. Wadjda veut son vélo, mais évidemment, sa mère refuse tout net de le lui acheter, la gamine risquerait de perdre sa virginité. Comment alors obtenir ce qu’elle veut ? C’est qu’elle est butée la minette. Elle s’inscrit à un concours de poésie coranique pour gagner le premier prix et pouvoir se payer le vélo tant désiré. Wadjda, enfant subversive, se sert du système même qui l’enferme, pour arriver à ses fins.
Il y a dans ce film, qui n’a l’air de rien, beaucoup de fraîcheur. Grâce à son héroïne et comédienne, petit feu follet déterminé en converses, absolument craquante. Et puis surtout, la réalisatrice réussit à ne jamais en faire trop : pas de pathos, pas de guimauve, la caméra capte l’énergie de cette petite confrontée à la violence incompréhensible de son monde, et qui rebondit toujours, avec un bel élan vital. En tant que spectateur occidental on est relativement ignorants de la réalité saoudienne, et on ressent effectivement une très grande violence à voir toutes, absolument toutes ces femmes voilées, cloîtrées, et pour la plupart consentantes, voire fanatiques. Le spectateur adopte le regard de Wadjda, qui vit dans ce monde, mais ne réussit pas à comprendre pourquoi. Et puis il y a le très beau personnage de la mère, femme superbe et coquette, mais qui n’arrive pas à retenir son mari parce qu’elle ne peut plus lui donner d’enfant, et surtout un garçon. Elle est amoureuse de son homme, et veut rester irréprochable pour lui. Mais quand son mari prend une deuxième épouse, la blessure d’amour propre et d’amour tout court est telle que la belle se rebelle, et commence à faire exploser la coquille. Tout ça est très subtilement mis en scène, absolument pas martelé. Il y a vraiment beaucoup de légèreté sans misérabilisme dans ce très joli film, et finalement, sans doute un peu d’espoir aussi, même si la route finale, concrète et aussi symbolique, reste embouteillée et difficile à parcourir.
En choisissant le parti-pris de l’enfance et de l’anecdote, Haifaa Al Mansour fait entrer le cinéma saoudien dans une enfance pleine de promesses et de détermination. Objet touchant, profond et léger à la fois, Wadjda est vraiment une très jolie surprise.