de Jean-Baptiste Harang.
Une nuit de novembre 1983, un jeune algérien en vacances est jeté du train Bordeaux-Vintimille par trois apprentis légionnaires bourrés. Que s’est-il passé ? Comment un tel drame peut-il arriver à bord d’un train bondé sans que personne n’intervienne ? C’est ce qu’essaie de comprendre Jean-Baptiste Harang, journaliste à l’époque et qui a suivi ce drame pour son journal. Trente ans plus tard, il nous raconte cette histoire terrible, de manière factuelle, peu romancée, essayant de s’immiscer le moins possible dans son récit.
On a là un traitement du fait-divers (même si je déteste ce terme) complètement différent de celui utilisé par Laurent Mauvignier dans Ce que j’appelle oubli. Là où Mauvignier choisissait de faire appel aux émotions du lecteur, produisant un roman tire-larme et finalement assez putassier, Jean-Baptiste Harang s’adresse au cerveau de son lecteur, et s’en sort beaucoup mieux et avec plus de dignité.
Rien d’ostentatoire dans ce livre, non, à peine si on sent la présence de l’auteur. Pourtant il est là, bien là, choisissant la concision, la précision, un style transparent mais brutalement efficace. Parce que le lecteur est littéralement assailli par ce drame, son injustice totale, et surtout les mille questions qu’il pose à la fois sur le comportement humain, les légionnaires, leur capitaine, les passagers et contrôleurs, mais également sur les institutions, la SNCF obnubilée par le retard de son train, la police qui ne relève aucun des noms des passagers, et la justice aussi, qui allège la peine du visiblement plus dangereux des trois assassins. Pas de jugement ici, mais des constats, et une écriture qui reflète une certaine maturité vis-à-vis des faits, une écriture qui a dépassé la phase de l’émotion, pour acquérir une lucidité éclairée, et qui permet la transmission vers le lecteur, et la naissance de questionnements fondamentaux. Beau travail.
Ed. Grasset