de Lionel-Edouard Martin.
Un homme retourne à ses racines provinciales. Il tire sa valise dans les couloirs du métro, puis sur les quais de la gare. Chaque cahotement de ses roulettes, chaque détail de son trajet et de son séjour le replonge dans ses souvenirs, des souvenirs éclatés, envahissants.
L’auteur utilise le Tu et immerge ainsi le lecteur dans les errements de son personnage. Les phrases sont longues, tentaculaires, les rythmes heurtés. Il y a quelque chose qui tourne en rond dans cet homme, quelque chose d’enfoui, qui s’accumule et n’arrive pas à sortir. L’écriture de Lionel-Edouard Martin retranscrit ce ressassement, cette énergie intérieure comprimée, étouffée, comme le magma qui brûle au centre de la terre. Difficile pour moi au début de réussir à complètement adhérer à cette prose, certes virtuose, mais aussi très précieuse, bavarde et référencée, ce qui n’est pas vraiment ce que je préfère en littérature. Mais cette première partie, sombre, se place sous le signe du minéral, de la matière rugueuse, de la géologie et j’ai plutôt bien aimé cette façon d’invoquer les forces telluriques et inertes, qui sans être la vie en sont pourtant son support.
Et puis progressivement le projet gagne en épaisseur et en cohérence quand on comprend ce qui a amené cet homme dans ses errements, géographiques et psychiques. L’exaltation amoureuse, son expansion, suivie de la blessure et de sa rétractation. Lorsque notre héros accepte de se remémorer les mots de rupture de son amante, il se passe quelque chose, et l’écriture se fait plus rapide, phrases plus courtes, le rythme, comme un cœur qui reprend sa course, accélère, et la trajectoire descendante s’infléchit pour retourner à la lumière. Les mots ne sont plus de granites ou de calcaire mais de chair et de pulpe.
Le magma a donné naissance à la vie dans toute son exultation.
Ed. publie.papier