de Richard Yates.
(…) Susan Andrews annonça à son père d’une voix très calme qu’elle ne l’aimait plus.
Vous connaissez tous mon admiration absolue pour Richard Yates, dont chaque livre m’a absolument bouleversée, retournée comme une crèpe.
Menteurs amoureux est un recueil de nouvelles. Une courte notice biographique placée en tête de l’ouvrage éclaire judicieusement l’ensemble de ces textes, mais dans chaque oeuvre de Richard Yates, vaguement inspirée d’épisodes biographiques ou pas, il y a du vécu et des tonneaux de désespoir et d’attentes déçues.
Sept nouvelles dans cet ouvrage, assez égales en terme de qualité. On trouve quelques jeunes hommes, anciens militaires, qui s’essaient au journalisme ou à l’écriture, des mères qui s’essaient à la sculpture avec plutôt moins que plus de réussite, autant d’éléments qui empruntent directement à la vie du maître. Mais il est surtout question d’amour dans ce recueil, celui qu’on cherche sans pouvoir l’effleurer (Bonjour chez toi), celui qu’on croit mort et qui finalement nous rattrape (Menteurs amoureux), l’amour de vacances (Et dire adieu à Sally), l’amour interchangeable (Une fille unique en son genre)… Sept variations sur un même thème, et la sensation glaçante que finalement, l’amour exacerbe la solitude fondamentale de l’être humain.
Comme j’en avais parlé dans cet article sur Ladivine de Marie NDiaye, Richard Yates est un romancier qu’on pourrait qualifier de comportementaliste. Il n’entre pas dans la psychologie de ses personnages ou dans leurs états d’âme, mais se contente de décrire le plus précisément possible leurs actes, leurs comportements. Cette manière de procéder est infiniment risquée et difficile, il n’y a rien qui délaye, rien qui ornemente, on est dans l’action pure, dans la pensée instantanée. Cette manière de procéder permet à Richard Yates d’adopter une posture faussement neutre vis à vis de ses personnages. Des personnages toujours à la fois magnifiques et pitoyables, ambitieux déçus par la vie, amoureux sincères ou éphémères, globalement alcooliques. Le regard de l’auteur apparaît toujours à la bonne distance, d’un humanisme ravageur parce qu’il accepte ses personnages comme ils sont, dans leur entièreté, sans fard, sans masque.
Richard Yates s’impose dans Menteurs amoureux comme un maître absolu de la nouvelle, et son écriture au scalpel fait des merveilles dans ces formes courtes qui contiennent pourtant chacune plusieurs vies. Une pure merveille.
Trad. (sublime) : Aline Azoulay-Pacvoň
Ed. Robert Laffont
Coll. Pavillons