Chronique film : Sugar Man

de Malik Bendjelloul.

Sugar ManIl s’appelle Sixto Rodriguez, habite à Detroit, et a réalisé deux albums dans les années 70. Seulement deux albums, et lâché par sa maison de disques, il arrête sa carrière pour retourner à son boulot, homme à tout faire sur des chantiers. Ce qu’il ignore, c’est que ses albums sont devenus absolument cultes dans l’Afrique du Sud de l’apartheid, portés par une jeune génération d’afrikaners, en révolte contre la politique sociale de leur pays.

En Afrique du Sud, tout le monde connaît les albums de Rodriguez, mais personne ne sait qui il est. Des légendes circulent, il serait mort, se serait immolé sur scène, ou encore tiré une balle dans la tête. Deux sud-africains partent à la recherche de leur idole. C’est un jeu de piste, ils recollent les bouts progressivement, lancent des appels sur internet. Et puis un jour, ils reçoivent un coup de fil, c’est la fille de Rodriguez, son père est toujours vivant, il vit à Détroit avec ses trois filles, et travaille toujours comme manuel à la journée sur les chantiers. Il vit dans un dénuement quasi-total, et ignore complètement qu’il a vendu des centaines de milliers d’albums en Afrique du Sud.

L’histoire est absolument rocambolesque, et le documentaire qu’en tire Malik Bendjelloul, vraiment émouvant, à la fois que très malin. Le réalisateur réussit à reconstituer l’enquête, à monter sa sauce avec beaucoup de talent. Le film est un assemblage d’entretiens, de petites séquences d’animations, d’images d’époque ou de plans de coupe assez oniriques : images de Detroit, la ville fantôme et dévastée qu’elle était hier et qu’elle est encore plus aujourd’hui.

Quand on découvre que Rodriguez est toujours vivant, les animations laissent la place à des travellings sur le chanteur-maçon, arpentant maladroitement en manteau noir les rues enneigées et défoncées de sa ville, et c’est juste magnifique. Cet homme engagé (il s’est présenté plusieurs fois aux élections locales comme conseiller municipal pour défendre les gens) a suivi sa route avec modestie et détermination. Il a obtenu une licence en philosophie, il emmenait le week-end ses filles dans les musées et les théâtres et non dans les centres commerciaux, tout en continuant son modeste métier.

Le personnage est donc assez incroyable et touchant, le film est monté très intelligemment, et surtout donne à entendre très bien la musique de Rodriguez. On sort de là en fredonnant, et puis quand on réécoute ses chansons, on se dit que, effectivement, ce type là est un grand parolier et mélodiste. Et on est quand même très heureux de ne pas avoir découvert ses chansons de manière posthume. Un très bon moment de cinéma et de musique.

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