d’Ahmed Bouanani.
Tout perd ici de son urgence.
Ahmed Bouanani a fait un séjour à l’hôpital, il y est rentré volontairement, pour se faire soigner. Dans cet univers clos, il rencontre des patients, qui sont là depuis toujours, qui sont malades, et n’ont souvent nulle part où aller. Ils peuvent mourir du jour au lendemain sans que ça n’émeuvent beaucoup les autres malades. Dans cet hôpital, rien ne bouge beaucoup, le quotidien est proche de l’enfer, et seul résiste l’espoir d’un jour meilleur. Les patients, enfermés, coupés de l’extérieur, dans ce tout petit monde se créent des histoires, s’inventent des vies, des mythologies. L’auteur, toujours un peu extérieur navigue entre les autres patients, et ses propres délires. L’hôpital devient la métaphore de la société marocaine, avec ses doutes, ses travers. Les patients reconstituent inconsciemment une image du Maroc dans tous ses paradoxes.
Pour Ahmed Bouanani, les lieux n’ont que peu d’importance. Pas d’errement psycho-géographique dans ce vaste espace qu’est l’hôpital, avec ses bungalows, ses frontières floues. Ce qui intéresse l’auteur, ce sont vraiment les gens, les sensations, l’introspection. L’univers qu’il crée est souvent à la limite du roman fantastique. Il n’y a ici plus de notion du temps, de la normalité, les limites (physiques, mentales) sont floues.
La prose d’Ahmed Bouanani est somptueuse, foisonnante, souvent poétique et nous ouvre des mondes complexes et riches. C’est beau, profond, parfois drôle et pourtant totalement désespéré. Un univers unique qui joue avec le flou et le pouvoir de la fiction, superbe.
Ed. Verdier
Une réflexion sur « Chronique livre : L’hôpital – Récit en noir et blanc »