d’Emmanuel Carrère.
On ne peut pas dire grand chose de nouveau sur ce roman magnifique d’Emmanuel Carrère. Commencé puis abandonné par son auteur au profit de l’écriture d’Un roman russe, le livre a manifestement beaucoup profité de cette phase de maturation et de la stabilisation de la vie de son auteur.
Emmanuel Carrère met véritablement sa plume au service d’autres vies que la sienne dans ce roman passionnant et émouvant, des vies confrontées au drame, à la maladie ou à la mort, brutale ou lente. Une famille perd son enfant lors du tsunami, une mère de famille heureuse meurt d’un cancer long et douloureux. Comment surmonter ces événements, comment y faire face, quelles tactiques conscientes ou non sont-elles mises en œuvres par les individus pour survivre au drame ? Autant de questions posées dans ce roman et l’examen minutieux des vies et des caractères des personnages apportent non des réponses, mais des éclairages discrets, pointillistes, modestes. Un comble pour l’auteur mégalomane du plus grand déballage sentimental qu’est Emmanuel Carrère dont les passages autobiographiques d’Un roman russe m’avaient laissée complètement sur le bord de la route.
C’est sans aucun doute quand il parle des autres, et seulement un peu de lui, qu’Emmanuel Carrère dévoile de manière la plus magistrale son talent. Son écriture est ici toujours à la bonne distance, directe, claire, honnête mais jamais simple ou simpliste. Il s’agit de dire les choses comme elles sont ou comme on les perçoit, de la manière la plus efficace possible mais sans sécheresse ou distance. L’auteur a réussi à trouver ici un parfait point d’équilibre dans son écriture.
Émouvant sans être tire-larme, triste sans être morbide, gai et lumineux sans indécence, D’autres vies que la mienne est sans aucun doute un roman magistral d’Emmanuel Carrère, et même un roman magistral tout court.
Ed. Folio
Une réflexion sur « Chronique livre : D’autres vies que la mienne »