de Nancy Huston
Nancy Huston fait partie de mes grandes prêtresses de la littérature, ces femmes qui inventent, malaxent, invoquent, percutent. Certains de ses romans m’ont accompagnée, et m‘accompagnent encore aujourd’hui. Mais las, même les plus grandes prêtresses peuvent se casser la gueule de temps en temps. Dèjà, son Infrarouge m’avait pas mal refroidie, Danse noire est une calamité : lourd, inintéressant, dépourvu de toute grâce.
Nancy Huston traverse l’Histoire (et la Géographie) à travers le destin d’une famille d’origine irlandaise. La guerre civile, l’exil, l’émigration, l’acclimatation au Canada, la difficulté à rester soit même au milieu des autres, le mélange, la rébellion, le livre brasse un nombre infini de thèmes.
L’auteur utilise un processus complexe pour construire son roman : le narrateur, personnage du roman et metteur en scène, raconte l’histoire à son compagnon dans le coma comme s’il s’agissait d’un film qui défile devant ses yeux. Cette forme, certes originale, est une vraie fausse bonne idée. On s’imagine Nancy Huston derrière son écran, se tapant sur le front en criant “Euréka, puisque mon narrateur est réalisateur, il faut que j’écrive mon roman comme un film ! ”. Autant vous dire que si le narrateur avait été éboueur ou employé de bureau, la transposition aurait été beaucoup plus complexe. C’est lourd, maladroit, plombant. Le roman se noie par sa forme, il est littéralement écrasé par tout le système que Nancy Huston met en place.
Danse noire se voudrait ample, large, vibrant, palpitant, visuel, traversant l’Histoire et le monde d’un ample travelling impeccablement réglé. Il n’est rien de tout ça, à peine une anecdote, un caillou dans une chaussure. Un livre bien insipide et un très mauvais film.
Ed. Actes Sud