de Pierre Luccin
Daniel, de l’hiver dans la peau, du brûlant sur le cœur, se remettait en route.
Parfois on musarde en librairie sans idée précise et on tombe sur une petite chose singulière comme ce Sanglier. Se déroulant juste après guerre (la seconde mondiale), Le Sanglier commence par un dialogue au rythme saisissant et au contenu à la fois tragique et surréaliste. On a l’impression d’être chez Hilsenrath. Cette impression de vitesse persiste pendant tout ce très court roman. Pierre Luccin ne s’embarrasse d’aucune fioriture, on plante le décor en une phrase bien sentie, on dégraisse au maximum l’excédent de mots.
Le Sanglier du titre, c’est Daniel Braine, survivant et héros de guerre qui rentre chez lui pour trouver sa mère et son fils morts, sa femme envolée avec un marchand du Poitou. La cupidité révélée de sa sœur au détour d’une scène d’enterrement assez terrible le pousse à partir, à vagabonder et à louer ses bras de ci de là. Mais le monde qu’il découvre n’est que bassesses et infamies, il préfère donc se faire solitaire et s’installe en ermite, en quête d’une paix qu’il pense ne pouvoir trouver que loin des hommes.
On est donc bien ici dans une espèce d’histoire morale, de conte, révélatrice du monde alors même que le héros cherche à s’en éloigner. La fin est tout bonnement terrifiante car porteuse de nulle lueur d’espoir. Le côté conte m’a fait penser au magnifique Niki, L’histoire d’un chien de Tibor Déry, pour ce côté métaphore, portrait en creux de l’extérieur et de la folie des hommes.
Mais ce qui est très beau et très étonnant, c’est vraiment cette écriture, qui elle, semble libérée de toute contrainte, libre de prendre les raccourcis qu’elle souhaite, les détours qu’elle choisit. Ca va vite, très vite et surtout cette écriture exprime un immense cri de douleur et d’impuissance, une rage, moins contre les hommes que contre leurs actes, leurs comportements, leurs attitudes, leur mépris de ce qui n’est pas eux et qui est autre. Une étonnante et puissante découverte.
Ed. Finitude
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