d’Alessandro Baricco.
Un jour je me suis aperçu que plus rien ne m’importait et que tout me blessait mortellement.
Jasper Gwyn est un romancier britannique à succès. Son souci, c’est qu’il ne veut plus écrire de romans. Il abandonne l’écriture, voyage et essaie de trouver sa nouvelle voie. Mais l’écriture le rattrape. Il a tout de même besoin d’écrire. Ça y est, c’est décidé il sera copiste. Mais copiste de quoi ?
C’est avec beaucoup de légèreté et de délicatesse qu’Alessandro Baricco aborde son sujet, la remise en question et la quête de soi alors même qu’on est bien installé dans la vie et que tout fonctionne plutôt bien. Le romancier choisit la figure du romancier pour déployer son histoire. Mise en abyme de sa propre vie, regard lucide et amusé sur ce qu’est un écrivain, sa vie, son succès potentiel, Mr Gwyn s’amuse avec les clichés, mais avec quelle élégance et maîtrise. A chaque fois qu’il s’approche du facile, Alessandro Baricco réussit à détourner sa situation, à faire bifurquer le discours dans une autre direction, plus fantaisiste, plus profonde, toujours inattendue.
Après Soie, Mr Gwyn est sans doute le plus abordable, le plus simple à approcher des romans de son auteur. Mais quelle sophistication et quelle intelligence derrière cette fausse simplicité. Le roman semble en équilibre, prêt à basculer à tout moment dans le plat et finalement rattrapé avec aisance et audace.
Aux trois-quarts de son roman, Alessandra Baricco fait disparaître, non pas mourir, mais disparaître son héros. Il continue à exister pour le lecteur par son assistante qui devient le personnage principal de la fin du roman. Par ce twist, Alessandro Baricco s’efface complètement derrière son texte. Rien n’importe plus que ce qui demeure semble-t’il nous dire, les mots, l’écriture, tout le reste, le corps, l’homme n’est qu’image.
Évidemment, la lectrice que je suis espère que Mr Gwyn n’est pas le testament littéraire d’Alessandro Barrico et qu’il ne poussera pas la mise en abyme jusque-là. Parce que, que voulez-vous, on pourra se moquer autant de moi que l’on veut, je persiste et signe, Alessandro Baricco est un grand écrivain.
Ed. Gallimard
Trad. Lise Caillat