Chronique livre : La douceur du corset

d’Emmanuelle Pol.

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Trop girly pour moi. Clique quand même.

 

Très jolie collection que je ne connaissais pas (finitude) et qui pourtant ne publie pas que des manchots de la plume. La douceur du corset est avant tout un bel objet livresque qui donne envie d’être dévoré. Comme c’est un cadeau de Noël, offert par une amie très chère, ça ne me fait pas plaisir de le dire, mais au-delà du bel objet, ben pas grand chose. Composé de 6 nouvelles, La douceur du corset tente d’appréhender les relations homme-femme, essentiellement par l’étude du comportement féminin vis à vis des XY. Et ça n’est pas joli joli. Comme elle le dit elle-même à la fin du Cercle des sorcières « Les femmes, quelle horreur! ». Ouais, c’est sûr que vu comme ça, on ne peut qu’être d’accord.

Ce qui est gênant dans ce livre là c’est la charge mise aux femmes : incapables de se trouver elles-même, se définissant en permanence par rapport à l’homme (soit ne se concevant qu’avec un homme, soit justement en opposition – mais c’est juste par frustration)… on n’est dans un manichéisme de premier ordre, une seule vision. On a la sensation que l’auteur règle ses comptes vis à vis des femmes, ou vis à vis d’elle-même, de ses faiblesses, mais sans creuser aucunement. On reste à la surface. On pourrait dire que ça prolonge Sex and the City, en plus noir, mais sans là humour aucun, sans a

ucun second degré. C’est dommage car Emmanuelle Pol possède une plume intéressante, très classique, presque XIXème. Elle se permet par moment des accélérations de rythme surprenantes, belles et assez prenantes.

Mais restant sur la hargne, dans le binaire, sans tomber le masque, on entend pas la pierre tomber au fond du puits. Et le livre, fustigeant le vide féminin n’est finalement peuplé que d’hommes objets. Visiblement toutes les femmes de la terre prennent les hommes pour des objets. Mouais bis. Et si on allait au delà de l’émotionnel et de l’hormonal ? Si on cessait d’être des dindes pour devenir des femmes ?

Chronique livre : La Vie et rien d’autre

de J. G. Ballard.

Ohhh le beau miracle de la vie ! Clique. HiHi.

La Vie et rien d’autre. C’est sous ce titre infâme de banalité que J. G. Ballard nous offre son autobiographie. Vous allez me dire : c’est le titre traduit, la VO est mieux. Que nenni. Miracles of life, ça ne le fait pas pour l’écrivain britannique le plus provocateur de ces dernières décennies. Ca aurait été l’autobiographie de Douglas Sirk, je ne dis pas. Mais de la part de Ballard, ça laisse rêveur. Cependant au fil de la lecture on s’aperçoit vite que le Ballard de 2007 ne correspond pas à l’image que l’on peut se faire de lui. Il apparaît comme un pépé sympa et bienveillant, légèrement popote, totalement centriste, et qui lutte avec bravoure contre un méchant cancer de la prostate. Ca peut facilement casser un mythe.

On prend cependant pas mal de plaisir à lire ces morceaux très choisis de la vie de Ballard, en essayant justement de deviner ce qu’il y a entre les trous. Parce que des trous il y en a des béants, Ballard s’attardant énormément sur son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte : les deux tiers du livre sont consacrées à ses 25 premières années, le tiers final aux 52 années suivantes. Ballard, passionné de psychanalyse, s’attache donc à creuser les fondements de son existence plutôt que nous dévoiler celle-ci. Il parlera très peu de sa vie d’adulte qu’elle soit privée ou professionnelle. Il effleure ses écrits (juste ceux qui ont marché, ou ont été adaptés au cinéma), sa démarche, sa pensée et préfère s’attarder sur ses amis, ou s’extasier sur le beauté de la vie de famille.

Bref, Ballard passe son temps à éviter son sujet : lui-même. Et il le fait avec beaucoup de bonne humeur, de manière taquine, à peine dissimulée. Il en résulte un livre lumineux, qui, sans masquer certaines épreuves difficiles, préfèrent se concentrer sur les miracles de la vie que sur ses noirceurs. C’est joli quoi, mais aussi assez frustrant intellectuellement. Ballard nous donne tout de même quelques os à ronger quand il parle de ses idées saugrenues et mises en pratique (un concours de « littérature écrite sous stupéfiant » qu’une femme a remporté sous l’emprise de la pilule contraceptive, ou l’exposition très mal reçue d’épaves pour le conforter dans son envie d’écrire Crash!), ou de son histoire d’amour avec le whisky-soda. Mais on en restera là dans le décalage.

Un testament mignon et attendrissant, à contre-pied de ce qu’on attendait de la part de Ballard, mais qui affirme du coup qu’on a pas besoin d’être un punk cracra méchant et déviant pour être subversif, visionnaire et pertinent.

Chronique livre : Par effraction

d’Hélène Frappat.

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Quelle limite entre curiosité et intrusion ? Clique.

Beau petit objet que ce court texte d’Hélène Frappat. Beau et mystérieux. Difficile en effet d’y voir clair au travers de ces 2 ou 3 récits entrecroisés, parallèles ou imbriqués. Frappat décline son thème de l’effraction, plus précisément l’effraction dans la vie de quelqu’un, sous différentes formes.

Une effraction psychique tout d’abord, avec l’histoire d’une enfant, A., qui a le pouvoir d’entendre ce que pensent les adultes et donc par conséquent d’entrer dans leurs têtes sans qu’ils le sachent. Puis au coeur même de cette première histoire on trouve une digression vers une autre effraction, celle de Sabrina. Enfant pauvre, Sabrina s’introduit chez les parents riches d’une de ses camarades de classe lorsqu’ils sont absents. L’effraction est donc cette fois matérielle, et c’est bizarrement la seule qui provoque une réaction chez les personnes touchées par l’effraction. Les gens se sentent envahis par cette présence de moins en moins discrète (objets déplacés etc…) et agissent en conséquence, en faisant enfermer l’enfant dans une maison de redressement. La dernière effraction est celle de la narratrice (ou plutôt de celui qui lit, puisqu’elle utilise, comme Butor en son temps, le pronom vous) dans la vie d’une jeune fille Aurore, dont elle (dont on) suit la vie depuis sa naissance jusqu’à ses fiançailles, au travers de vidéos super 8 achetées sur le marché aux Puces. Contrairement à ce que j’ai lu ailleurs, je n’ai pas l’impression qu’on sache vraiment si cette Aurore et la petite A. sont deux personnes distinctes ou la même fille.

En utilisant ce pronom « vous » Frappat frappe un grand coup (oh ça va hein), puisqu’elle place le lecteur dans la position du voyeur, de celui qui s’introduit dans la vie de l’autre, dans la tête de l’autre. Cependant cette intrusion a une limite très claire, puisqu’après avoir visionné les bandes, la narratrice refuse de pousser ses investigations pour savoir qui est vraiment Aurore. Pourtant de nombreux indices parsèment le film. Mais la narratrice accepte de s’arrêter à ce que celui ou celle qui a abandonné ces bandes vidéos a accepté de partager. Réflexion sur l’incursion du regard de l’autre dans la vie privée, Par effraction est comme un signal d’alarme aux lecteurs un peu trop curieux, comme un avertissement à ceux qui souhaiteraient aller plus loin que ce qu’on leur donne à voir et à ressentir.

 

Le livre est construit en chapitres très courts et très rythmés. On sent que Frappat maîtrise à perfection la langue française : Par effraction est extrêmement bien écrit. Malheureusement, à force de mystères et de brouillage de pistes, on reste toujours un peu extérieur au dispositif (brillamment intelligent) mis en place, et le roman ne touche pas beaucoup même s’il intrigue férocement. On oubliera très vite par exemple ces séquences de rêverie (?) typographiées en italique, pour retenir le désarroi de la jeune A. face à son encombrant don de lecture dans les pensées, et le sourire immuable de la jeune Aurore sur des bandes super 8 achetée aux Puces. C’est déjà pas mal.

Chronique livre : Le pélican d’Or

de Stefan Chwin.


Le premier qui me fait remarquer que c’est pôs un pélican, je le tape ! Clique.

Premier des trois livres lus pour le Prix de la rentrée littéraire Fnac et, je vous avoue que ce fût un supplice. Ok, le livre était sur épreuve, donc, en plus d’être long, il était mal aisé à lire, puisque sous format A4 et en police 8, mais tout de même… je ne suis pas habituée à lire des machins aussi décousus et lourdingues. Mais je suis valeureusement venue à bout, comme un bon petit soldat, pour pouvoir donner mon avis en cinq mots sur la feuille de notation de la Fnac.

Bon ceci dit, je me suis trouvée fort dépourvue quand j’ai du remplir la case « point fort », mais en creusant, on peut trouver un certain intérêt dans le sujet du livre : un professeur trop sûr de lui, qui découvre le doute. Cette sensation va lui être néfaste, puisqu’il décroche complétement, finissant à la rue. Voilà. Allez au-delà de ça dans la liste des points positifs me paraîtrait fort exagéré, tant le roman est difficile à ingurgiter.

La faute à Chwin ou au traducteur ou au relecteur (je n’avais qu’une épreuve), mais le style à la fois  ampoulé, décousu et maladroit du Pélican d’Or rend la lecture difficile. Émaillé d’innombrables digressions qui ralentissent la progression de l’histoire, on n’arrive jamais à rentrer là-dedans. Mais le souci majeur de ce livre reste l’incapacité à déterminer la place de son narrateur : est-il son personnage principal, est-ce un narrateur extérieur ? Du coup, le point de vue manque de clarté, ce qui est fort dommage puisque le livre est constellé de remarques douteuses sur leur fond (xénophobie notamment). Comme on ne sait pas trop où se situe Chwin, on hésite entre lecture au second degré et/ou auteur réactionnaire.

Au final, le livre laisse un goût assez nauséabond dans la bouche, sans qu’on soit vraiment sûr qu’il soit justifié, puisque le point de vue de l’auteur est totalement indéterminé. Bref, pas une très bonne entrée en matière pour ces lectures du Prix de la rentrée littéraire Fnac, heureusement dissipée par les deux volumes suivants, La Perrita et les Heures souterraines, nettement plus convaincants et consistants.

Chronique livre : Le cinquième évangile

de Michel Faber


Ah ça fait pas du bien de remettre en cause la passion de JC.
Finis de l’achever en cliquant.

Entendu parler de ce bouquin sur France info, je ne sais plus, et il faut avouer que c’est un distrayant bouquin pour des vacances. Le cinquième évangile, c’est un peu l’anti-Da Vinci Code et l’anti-cinquième élément, ou comment un traducteur de textes anciens fout le bordel dans le monde en mettant à jour des textes très prosaïques sur la crucifixion de sieur Jesus.

Loin de professer la bonne parole, et de se terminer en apothéose remplie d’une découverte miraculeuse issue des textes anciens genre « ce qui sauvera le monde c’est l’amour », le cinquième évangile fait la nique à la vague des romans pseudo ésotériques pouet-pouet et à la pseudo culture de masse. Le roman vaut presque plus dans son principe que dans son écriture. Ce n’est évidemment pas un chef d’œuvre de la littérature puisque Michel Faber pastiche parfois ses anti-modèles, ce qui ne hisse pas le niveau d’écriture, il faut bien l’avouer. Par contre, le personnage principal est tellement con, méchant que le livre en devient particulièrement irrévérencieux et qu’on bondit de joie quand il compare ses manuscrits vieux de 2000 ans à des magazines pornos (pour l’impatience qu’ils suscitent), ou qu’il n’hésite pas à hurler « qu’est ce que ce mec est chiant ! » à propos de l’auteur des dits manuscrits, effectivement pas un gai-luron à lire sa prose.

Un bon moment donc, sans larmichette et sans leçon de morale antique sur la voie que doit suivre l’Homme. Sympa.