Chronique livre : Suite(s) impériale(s)

de Bret Easton Ellis.

Quel monstre sommeille derrière les anges que nous ne sommes évidemment pas ?
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Hélas les amis, trois fois hélas, Suite(s) impériale(s) est aussi peu intéressant que Moins que zéro était brillant. Imaginez un auteur qui n’a rien produit depuis 5 ans, en plein brainstorming avec son éditeur. La seule idée qui leur vient à l’esprit est d’écrire la suite de Moins que zéro, soit une espèce de “que sont-ils devenus 25 ans plus tard ?”. La réponse est assez évidente : les protagonistes étaient déjà des « moins que zéro », là ils ne sont franchement pas grand chose, ou plutôt pas grand chose de neuf et d’intéressant. Mais ça on aurait déjà pu le dire en posant Moins que zéro.

Fausse bonne idée, ou vraie mauvaise,  la lecture de Suite(s) Impériale(s) provoque la déliquescence de l’enthousiasme initial. Les phrases courtes et sèches de Moins que zéro ont fait place à des phrases à rallonge, inutilement compliquées (entre temps Ellis est devenu écrivain, il essaie de le prouver). C’est voulu, on n’a jamais d’explication claire, tout reste dans une espèce de brouillard mystérieux. Enfin mystérieux pas tant que ça. Franchement, on se doute de ce que veut démontrer Ellis dès le début : l’adolescence désincarnée de Moins que zéro donne des adultes monstrueux qui ne prennent leur pied qu’en se manipulant les uns les autres. Ouais. Tout ça ne va pas pisser très loin, et n’apporte pas une goutte d’eau de plus au moulin Ellissien.

Du coup, on frissonne un max en pensant que dans 25 ans les protagonistes se feront des crasses dans une maison de retraite d’Hollywood, avec leurs problèmes de pilules bleues, de transit et de prostate. Et là franchement, j’ai pas hâte.

Chronique livre : Moins que zéro

de Bret Easton Ellis.

Chute libre inéluctable jusqu’à la mort.
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Avant de me plonger dans Suite(s) Impériale(s), il fallait bien que j’en lise l’origine, c’est à dire le premier roman écrit en 1985 du sieur Ellis. Moins que zéro est un assez formidable premier roman, qui m’a vraiment fait penser à son grand frère, Lunar park. Même personnage déconnecté par la drogue, même tentation du fantastique, même désoeuvrement, même goût pour l’horreur.

Le roman raconte les errances de Clay, étudiant dans le New Hampshire, et qui revient dans sa ville natale, Los Angeles, pour quatre semaines de vacances de Noël. Errant de fêtes en fêtes, Clay a bien du mal à trouver de l’intérêt à quoi que ce soit, recherchant ses seuls moments de soulagement dans la cocaïne. Etudiants pourris de fric, traînant leur lassitude jour et nuit en quête d’une quelconque sensation, complètement déconnectés du monde réel (les jeux vidéos sont déjà omniprésents dans Moins que zéro), ces zombies post-ados sont assez effrayants. Clay a bien du mal à se souvenir ne serait-ce que du prénom de ses soeurs, son psychiatre passe son temps à causer au lieu d’écouter, les parents sont inexistants.

Le processus est à deux doigts de paraître monotone, jusqu’à la moitié du bouquin. L’horreur pure pénètre alors dans cet océan de vide par la projection d’un snuff movie, la prostitution d’un ami toxico, puis la découverte d’un cadavre, et le viol d’une enfant de douze ans. La progression vers l’horreur est inéluctable, tant ces gamins sont anesthésiés par leur mode de vie, les drogues qu’ils ingèrent, l’argent qui coule de leur doigts. Dénonçant une société factice, superficielle, déracinée, Bret Easton Ellis a réussi un excellent et effrayant premier roman, imprimant déjà fortement son style et sa personnalité.

Alors, qu’est devenu Clay ? A suivre impérialement.

Chronique livre : Lunar Park

de Bret Easton Ellis.

 

Terby existe en vrai… Clique si t’es courageux.

Moi j’aime bien les cadeaux. Surtout quand ce sont des bouquins, et surtout des bouquins aussi bons que celui-ci. Ca commence comme de l’autofiction, ça se termine en grand n’importe quoi qui fout la pétoche. Bret vient de s’installer avec sa femme (une célèbre actrice de cinéma), son fils et sa belle-fille dans une grande maison avec jardin de la banlieue new-yorkaise. La vie suit son cours difficilement : il n’arrive pas à nouer contact avec son fils Robby, le chien ne l’aime pas, il flirte avec une étudiante, des gamins disparaissent, la peluche-perroquet de sa fille le fait flipper, il a replongé dans la coke. Pas sain sain le gars quoi. Et puis petit à petit les choses partent gravement en sucette : la maison commence à peler, il croit voir le meurtrier en série de son dernier roman pour de vrai, le peluche-perroquet de la gamine l’attaque, il reçoit des emails anonymes…

Fascinant la façon dont Ellis réussit à faire dévier les choses sans jamais qu’on réussisse à dépatouiller l’écheveau : rêve t’il ? est-il sous l’emprise de stupéfiants qui le font complètement dérailler ? En tout cas, l’ambiance qu’il crée est totalement flippante, on se bouffe allègrement les doigts en se demandant quand et comment ça va se terminer, on flaire le bain de sang final (à tort). Ellis est sans aucun doute un maître de l’écriture, à la fois tendue comme une corde de folk, crue, ou au contraire très onirique. Bref, un vrai délice Lunar Park, mystérieux et fascinant. Ca donne envie de lire l’intégrale Ellis… n’est ce pas ? mmmm ?