Chronique film : Tomboy

de Céline Sciamma.

Après deux films plutôt méchants, la plongée dans l’univers de Tomboy de Céline Sciamma fait l’effet d’un bain de soleil. Faisant suite à l’atmosphère un peu glaciale de l’adolescence dans La Naissance des pieuvres, Céline Sciamma remonte plus loin dans le temps pour se plonger dans l’univers de l’enfance. Une enfance pas forcément facile, mais solaire, sensible et surtout, on le sent, très personnel.

Tout commence par un déménagement dans une banlieue inconnue. A la fois “urbaine” par son architecture et rurale par son emplacement entouré de verdure, de bois et d’eau, et par son fonctionnement. Ici tous les enfants vont jouer ensemble pour tuer l’ennui des vacances quel que soit leur âge. L’école qui doit les accueillir à la rentrée est petite puisqu’il n’y a qu’une classe de CM. Un endroit entre deux donc, ni tout à fait la ville, ni tout à fait la campagne. Une famille s’installe donc dans cet univers un peu étrange. Un couple et leurs deux enfants, de 6 et 9 ans. Le papa est gentil comme tout mais très souvent absent, la maman est enceinte et focalisée sur son ventre. La plus petite est une gamine très mûre pour son âge, câline et surtout déjà ultra-féminine, toute en boucles et en sourires. Et puis, il y a Laure et ses cheveux courts, son regard buté, et ses shorts trop larges. Laure qui aux yeux des spectateurs (pendant un quart d’heure) et des autres enfants (pendant beaucoup plus longtemps) se fait passer pour Mickael. Et ça fonctionne.

Quand on découvre que Mickael est en fait Laure, on est d’abord stupéfait, puis inquiet, inquiet qu’elle soit découverte, que ça tourne mal, et enfin agacé par ces parents qui ne voient rien, ou plutôt ne veulent pas voir l’évidence. Pour filmer cette histoire très délicate et casse-gueule, Céline Sciamma utilise toute la subtilité d’une mise en scène intelligente, énergique, discrète, ciselée et solaire. Son regard, jamais voyeur sans pour autant être pudique (elle montre frontalement les choses), saisi au plus près les corps, les sensations, dans approche qui passe plus par l’épiderme et le ressenti, que par le verbe. Magnifique plan dans la forêt où Laure, “déguisée” en fille, s’est échappée. La caméra la quitte un instant puis revient sur elle qui s’enfuit dans son sempiternel short, la robe abandonnée sur une branche. Tomboy est une superbe “chronique de l’enfance”, même si le terme est banal, pleine de scènes absolument merveilleuses entre les deux soeurs (formidables toutes les deux). Un film énergique, résolument tourné du côté de l’action, qui fait sourire et pleurer. Une perle.