de David Cronenberg
Je vous avoue un relatif ennui et une assez grande perplexité au sortir de la salle. Un tel sujet (l’amitié puis l’inimitié entre Freud et Jung, la relation de ce dernier avec une de ses patientes), servi par Michael Fassbender (qui n’a d’ailleurs toujours pas répondu à mes demandes en mariage répétées) et Viggo Mortensen (qu’on a connu plus sexy que sous la barbe freudienne) dans les mains du grand Cronenberg, voilà un projet qui avait de quoi faire battre le cœur de tout cinéphile.
On comprend ce qui a pu faire vibrer le cinéaste des corps torturés dans cette histoire trop amidonnée, le bouillonnement des corps assujettis à l’intellect et à un indestructible carcan de bonne moralité. Le problème du film, c’est que malgré tout le talent pictural du maître, le film ne réussit pas lui non plus à briser sa croûte d’amidon. On assiste à une très belle mise en image de cette histoire, et outre le début assez effrayant qui fait du spectateur gêné le témoin de la destruction physique de Sabina Spielrein, une présentation jubilatoire d’Otto Gross, et un usage fréquent des plans qui placent les spectateurs dans la position omnipotente de ceux qui voient, alors même que les personnages restent à l’arrière, en retrait de la réalité, on ne comprend pas réellement les intentions du réalisateur.
Que veut-il nous dire, dans quelle direction veut-il aller, qu’est ce que sa mise en image nous apporte par rapport aux très verbeux mais pas mauvais dialogues ? Pas grand chose, et c’est là, je crois, le problème. Embarrassé de tous ces mots, Cronenberg n’a pas réussi à trouver sa place, sa plus-value dans cette histoire, y compris dans un certain nombre de scènes non verbales, comme les scènes de masochisme entre Jung et sa maîtresse, filmées à distance, froidement, sans chair et sans vie.
Alors peut-être me direz-vous que c’était ça son projet, de réaliser un film purement intellectuel et formel, afin de montrer la difficulté pour l’homme de vivre, cadenassé qu’il est par son intellect, l’ordre social et la normalité qu’il définit, se privant ainsi de sa chair et de ses instincts. Mais la normalité n’est au final qu’une question de point de vue (la patiente devient dans un renversement des rôles la thérapeute). Soit. N’empêche, on s’y ennuie tout de même gentiment, à cette Dangerous method, pas désagréable mais qui aujourd’hui ne sent plus vraiment le soufre.