de Frederick Busch.
Ah la vache, il n’y a bien que les ricains pour vous mettre la rate au court-bouillon et le cœur en marmelade de la sorte. Dès les premières pages, on sent que les aventures de Jack, l’ex-flic déclassé, caféïnomane, traînant sa carcasse et son chien d’un boulot à l’autre, d’une ville à l’autre, va nous toucher immensément. Et c’est le cas. Jack donc, qui dans son boulot de videur fait la connaissance d’une avocate New Yorkaise un peu désœuvrée. Elle lui confie la tâche de retrouver son neveu, disparu depuis des mois dans le Nord de l’Etat de New York. Le Nord de cet Etat, Jack le connaît bien, il a passé tout une partie de sa vie là-bas. La partie qu’aujourd’hui il ne cesse de fuir. Un moment de sa vie où il avait une femme et un enfant, qui aujourd’hui ne sont plus là.
L’histoire de Jack, c’est l’histoire d’une mise au point avec le passé, les fantômes, une histoire de rédemption aussi, de vengeance contre un destin pas très joli. Frederick Busch a un talent insensé pour rendre vivants ses personnages. Encore un qui a tout compris de la vie, et nous le fait comprendre subtilement, par petites touches. L’enquête de Jack soulève la poussière et les fantômes du passé. Il ressasse en permanence ses erreurs, ses secrets, complètement englué dans une toile qu’il n’a jamais réussi à fuir autrement que physiquement. L’enquête lui donne donc l’occasion d’affronter ses morts, et ses vivants. Mais c’est une enquête menée à deux à l’heure, l’enquête d’un homme pas pressé, qui n’a peur de rien (ou qui le croit du moins).
L’auteur colle aux pensées de son héros, capte la moindre de ses pensées, de ses souvenirs, qui peu à peu se déchirent pour nous faire entrevoir la réalité. Jack a quelque chose d’animal. Homme de peu de mots, de peu de culture, il a pourtant des intuitions, des intuitions de flic, d’homme qui a vécu, implacables. Jack, c’est aussi l’homme du contrôle, celui qui ne supporte pas de ne pas avoir su maîtriser les choses, et qui préfère fuir plutôt que de faire face à ses insuffisances. Ne possédant pas de téléphone, vivant comme masqué aux autres, il est le seul à pouvoir garder un contact avec ses amis, ne leur laissant ainsi pas la maîtrise des choses.
L’univers décrit par Frederick Bush a quelque chose de crépusculaire, de fin du monde, mais les éclats de tendresse, d’humanité, éclairent tout ça d’une lumière magnifique. Le final, plutôt positif n’a pourtant rien du happy end. Jack fuit encore, laissant les promesses de sa présence à ses amis, mais restant pourtant toujours injoignable. L’homme de l’absence de mot, de la parole tue, réussira t’il vraiment à passer au delà de son passé, de ses fantômes, et à se rendre disponible au monde ? Rien n’est moins sûr. Nord est un roman noir magnifique, allez, faites vous du bien, il y en a besoin. C’est Noël, tous les fantômes sont là.