de Gabriel Chevallier.
Parfois, même les couleurs disparaissent. Clique.
Parfois il faut rendre justice aux maisons d’édition. Merci donc à La dilettante d’avoir réédité ce livre quasiment oublié en 2008, et dans une très belle édition qui plus est. Gabriel Chevallier aujourd’hui, ça ne dit plus rien à personne, et pourtant, il connut son heure de gloire grâce à son célèbre « Clochemerle », qui, bien que passé de mode, est tout de même resté dans le langage courant.
En 1930 donc, Gabriel Chevallier écrit son deuxième roman, La Peur, en grande partie autobiographique, qui raconte son expérience de poilu. Le livre fait scandale à l’époque, et Chevallier est conspué : il est de mauvais goût de dire à quel point la guerre est atroce, à quel point la vie du soldat est un élément de peu d’importance. Il sera même suspendu de la vente en 1939, et il faudra attendre 1951 pour le voir enfin réédité. Aujourd’hui, le livre n’a finalement pas perdu grand chose de son soufre, et la modernité de l’écriture de Chevallier étonne. Point de poussière ici, le style est vif, rapide, rythmé, cru. Chevallier plonge le lecteur au fin fond des tranchées, n’épargnant rien, et pourtant en faisant preuve d’un vrai regard et d’une vraie plume d’écrivain. Le livre peut paraître inégal tant il colle à la vie des poilus : parfois vif, parfois lent, collant au rythme du front, alternant attaques, longues marches, attentes interminables, passage à l’hôpital, babillages pour oublier.
On lit tout ça avec horreur, et peine, en maudissant la connerie humaine. Un très beau livre, qui outre son aspect « pédagogique », est une vraie oeuvre littéraire, actuelle et bouleversante.