de Jessica Hausner.
Les raisons pour aller voir tel ou tel film sont parfois obscures, inavouables ou évidentes. L’envie de découvrir Lourdes relevait plutôt de l’attrait touristique. Je n’y suis jamais allée, et, je ne sais pas pourquoi, tout en sachant que je reviendrais probablement très déprimée de la visite de cette ville si je me décidais à y aller, j’ai toujours été assez curieuse de cette endroit et de ce phénomène de masse.
Mais ce qui intéresse Jessica Hausner, ce sont surtout les rapports entre les gens, et leur manière d’aborder et de réagir l’inattendu, ici en l’occurence, un miracle. Pour mieux révéler les comportements humains, la réalisatrice a choisi comme objet de son miracle une page blanche ou presque, la diaphane Sylvie Testud, qui excelle dans ce jeu à l’économie. Privée de son corps et presque de sa parole, elle qui est plutôt une actrice assez gouailleuse et physique, réussit à faire passer, derrière sont apparente tranquillité et acceptation de la maladie, une vraie colère, une vraie douleur, et le sentiment d’injustice du « pourquoi moi ».
Christine donc, notre héroïne au prénom bien choisi, a une sclérose en plaque et a perdu l’usage de ses jambes et de ses bras. Elle, dont on ignore si elle a vraiment la foi, effectue un grand nombre de pèlerinages car ils lui permettent de sortir de chez elle et de voyager. Curieuse de tout, observatrice, elle vit le maximum d’expériences possibles, dans la limite de ses moyens physiques. Autour de ce personnage un peu lunaire, comme absent de son corps, Jessica Hausner ausculte avec une caméra un peu froide, quasiment scientifique et documentaire, les interactions qui se nouent entre les personnages, les jeux de pouvoir, de séduction, les comportements humains.
Le résultat de cette étude clinique, c’est une vraie finesse à faire vivre ses personnages et notamment ses personnages secondaires : entre l’opaque voisine de chambre dont on ne comprend pas vraiment les motivations, la jeune infirmière au dévouement plus que douteux, en passant par les deux pipelettes du groupe, abominables dans leur jugement permanent des gens, la réalisatrice réussit à créer un petit monde cohérent et crédible aux personnages typés mais pas caricaturaux. Elle réalise en ça un véritable film « de groupe », ouvert sur les gens, acerbe sans être méprisant.
L’apparente froideur de la mise en scène sert de véritable révélateur aux répercussions du phénomène dans le groupe et apporte mine de rien un vrai mordant au film. L’énergie circule entre les personnages, dans ces jeux de pouvoir et de séduction qui se mettent en place, et ne cessent d’évoluer dans le temps et dans l’espace. Et c’est un tour de force de la part de la réalisatrice de nous proposer un film aux énergies en mouvement, à partir d’un corps qui ne l’est pas, et d’une mise en scène aussi sobre. J’avoue être assez séduite par ce cinéma, attentif aux choses et aux gens, économe en paroles, qui refuse la facilité de la moquerie et dont l’ironie et le mordant naissent simplement de la rigueur de la composition des plans et de l’apparente neutralité du regard.