Chronique film : The dead girl

de Karen Moncrieff.

Voilà un petit film  fort intéressant dans sa recherche de complémentarité entre la forme et le fond. Entrée dans la salle par hasard pour échapper à la flotte (oui, c’est beau Paris sous la pluie, mais c’est pas mal sans non plus), je me suis assez volontiers laissée embarquée dans ce machin. Il faut dire que le début est extrêmement bien mené.

Une vieille fille coincée (Toni Collette, décidément couillue), condamnée à s’occuper de sa mère aigrie dans le trou du cul des États-Unis, découvre le cadavre d’une jeune fille dans un verger cramé par le soleil lors de sa balade quotidienne, son échappatoire temporaire. L’image est superbe et Moncrieff fait preuve d’un vrai sens du cadre. Le malaise monte en un quart de seconde, à l’image de cette médaille que Toni Collette récupère sur le cadavre, embarquant avec elle une bonne dose de cheveux ensanglantés. A partir de ce moment là, on se dit que tout sera possible, on est sur un fil au dessus du vide, et la bascule peut se faire n’importe quand. L’angoisse est là, vraiment palpable, on souffre pour cette nana bizarre, à la fois assez flippante et victime potentielle toute désignée. Le film déroute alors, la découverte du cadavre va agir sur elle comme un révélateur, et lui permet au contraire d’exploser sa cage. C’est plutôt malin.

Quatre autres histoires de femmes se succèdent ensuite, toutes tournant autour de la découverte de la jeune femme morte : l’étudiante en médecine chargée de l’autopsier et qui croit voir en elle sa soeur disparue depuis 15 ans, la femme du tueur, la mère de la victime, puis la victime elle-même. C’est là que ça dérape un peu. Si pris un par un, ces 5 paragraphes sont tous assez réussis (les deux premiers et le dernier surtout), leur juxtaposition donne au film un côté un peu gavant de film à thèse sur la condition de la femme. Mais bon, passons. Moncrieff ne cède que très rarement à la facilité, et le côté jusqu’au boutiste du film force le respect. La façon dont ses héroïnes (toutes des Dead Girls dans leur style), réussissent à s’appuyer sur un élément morbide comme la mort d’une inconnue, soit pour renaître soit, au contraire pour s’enterrer définitivement dans leur merde, prend un sens un peu plus universel et viscéral.

Loin d’être parfait, mais tout à fait recommandable.