Chronique livre : Leurs contes de Perrault

de Gérard Mordillat, Frédéric Aribit, Alexis Brocas, Nathalie Azoulai, Cécile Coulon, Fabienne Jacob, Hervé Le Tellier, Leila Slimani, Emmanuelle Pagano, Manuel Candré, Christine Montalbetti.

leurscontesdeperraultJ’adoooooore les contes, j’adore qu’on me raconte des histoires. J’ai toujours été fascinée par les contes, ce matériau meuble, mouvant, qui ne demande qu’à être récupéré, trituré, malaxé, au gré de la volonté de celui qui le dit ou l’écrit. Les contes, et notamment ceux de Perrault, c’est le fondement de l’enfance, une part de l’inconscient collectif, les briques sur lesquelles on construit les murs.

Aussi, c’est toujours un grand plaisir de voir que l’esprit du conte, malgré le 2.0, résiste, que ce soit à la télévision (la très inégale mais intéressante série Once upon a time), mais aussi donc dans la littérature avec cette prometteuse compilation de revisites des contes de Perrault par une belle brochette de fines plumes de la littérature française.

Le titre est beau, tout d’abord. Leurs contes de Perrault, c’est une promesse de réappropriation, un espace de liberté accordé aux auteurs. L’exercice est clairement à moitié réussi. Certains auteurs semblent  avoir du mal avec ce processus de réappropriation et se débattent avec leur propre production : des textes assez peu inspirés et parfois franchement maladroits malgré quelques bonnes idées par-ci par-là. D’autres brillent cependant dans l’exercice.

9782714469045Les deux papous Hervé Le Tellier et Gérard Mordillat survolent l’exercice et on en attendait pas moins d’eux. Drôle (sacré Riquet) ou bigrement mystérieux (on cherchera activement Andres Delajauria sur internet) leurs textes, sont judicieusement placés dans l’ouvrage, en introduction et au milieu du volume, lui servant de piliers.

La fin du volume réserve également deux belles surprises. Tout d’abord le texte sombre, totalement inattendu d’Emmanuelle Pagano, revisite du conte en vers Griselidis,  avec cette violence quotidienne sourde totalement insupportable qui donne envie de hurler. Enfin avec le très beau texte de Manuel Candré, mêlant de manière taquine Poucet et Ulysse, dans une célébration joyeuse et enchanté de toutes ces histoires qui nous construisent. L’esprit du conte n’est pas encore mort.

Ed. Belfond.

Chronique livre : Le portique du front de mer

de Manuel Candré.

Le portique du front de merTrès étrange livre que ce portique, deuxième roman de son auteur, après le très fort Autour de moi. En apparence complètement différent de son grand frère écrit dans une veine plus autobiographique, Le portique du front de mer relève pourtant d’un processus d’écriture qui me semble assez similaire.

Quatre amis perdent leurs journées et tuent le temps dans une cité balnéaire à l’abandon, R., coincée entre océan et désert. Continuer la lecture de Chronique livre : Le portique du front de mer

Chronique livre : Autour de moi

de Manuel Candré.

Une bonne surprise que ce court roman biographique, juxtaposition de souvenirs éclatés, d’une enfance bousculée. Manuel, orphelin de mère très tôt est élevé par ses grands-parents paternels, son père, alcoolique, étant fort peu apte à s’occuper de son fils.

Evitant tout misérabilisme, l’auteur nous livre ses souvenirs. Cette enfance, il n’arrive visiblement pas à s’en extraire, incapable de passer à autre chose (même son psy le lui dit). On comprend facilement pourquoi en lisant ces quelques pages. Si le livre n’a pas grand chose d’intéressant, ni d’ambitieux, ni de particulièrement nouveau dans sa forme, c’est plutôt par son écriture qu’il réussit à toucher. Manuel Candré raconte cette enfance dominée par la mort, d’une écriture intense, parfois furieuse, souvent étrangement poétique et évocatrice.

Ces souvenirs sont le révélateur de motifs obsessionnels, la mort (celle qu’on subit, celle qu’on donne), la peur de la folie (celle qu’on subit, celle qu’on sent poindre en soi). Le tout est particulièrement tenu pour un premier roman, et le regard lucide, sans concession, très sombre, laisse pourtant percer quelques éclairs d’humour désabusé. Reste à espérer que Manuel Candré ait réussi par l’écriture de ce livre à se débarrasser de son enfance. Et on espère qu’il aura, au delà de cet épisode de sa vie, autre chose à nous proposer, histoire qu’on tâte à nouveau de son écriture.

Ed. Joëlle Losfeld