Chronique film : The killer inside me

de Michael Winterbottom.

Le ver est dans la pomme ?
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The Killer inside me est plutôt une très bonne surprise. Je n’attendais pas grand chose de ce film. La polémique du Masque et la Plume à son sujet m’avait cependant plutôt titillé. Et j’avoue ne pas vraiment la comprendre en sortant de la salle. Certes les scènes de meurtres sont filmées au premier degré (on est bien dans la tête du tueur), elles sont violentes et dures (ah, c’est plus difficile de voir cogner une femme à poings nus que tuer par balle), sans être pourtant du tout complaisantes. Elles ne consistent de plus qu’en une infime partie d’un film, par ailleurs plutôt lent et de facture classique.

Classique mais extrêmement bien faite. La reconstitution des 50’s texanes est soigneuse, mais surtout particulièrement bien filmée : la photo à dominante froide est belle, la caméra de Winterbottom, sans être voyante, possède de la sobriété et une belle fluidité. Elle est très attentive aux acteurs, et c’est un choix judicieux, la distribution est formidable. Il y a bien évidemment Casey Affleck, déjà formidable dans Gerry et L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Gueule d’ange et voix d’adolescent en pleine mue, il est terriblement flippant, oscillant entre séduction, bonhomie et sadisme. Le reste est à l’avenant avec une belle et ambiguë Jessica Alba, une trouble Kate Hudson en fiancée un peu trop compréhensive, un Elias Koteas en syndicaliste intervientionniste. Le tout est parfaitement homogène et cohérent.

Ce décor soigneusement planté, on sent que ce qui intéresse Michael Winterbottom, plus que la description du psychisme d’un tueur en série sans scrupule, c’est l’environnement qui a permis à cette mauvaise graine de pousser. Un peu comme dans Le Chant de Bourreau de Norman Mailer, la société ultra policée est montrée du doigt, désignée comme terreau fertile à l’épanouissement de l’ivraie. La métaphore botanique ne vient pas de moi mais d’une réplique du film “une mauvaise herbe n’est qu’une plante mal placée” dit un des protagonistes. Lou Ford est alors évidemment désigné comme l’homme mal placé. Elevé par une mère masochiste et incestueuse, dans une société étouffante, trop faussement tranquille pour être honnête, les dérangements du Shérif Ford explosent en un déferlement de violences pour la plupart gratuites. Cette ville prospère où tout vice se dissimule (la prostituée est confinée loin du centre, au delà des puits de pétrole et des champs de poteaux électriques, alignés comme des croix dans un cimetière), où tout le monde croit se connaître et se mêle des affaires des autres, où la situation semble tellement sous contrôle que le policier ne porte même pas d’armes, cette ville va endormir la méfiance du tueur en même temps que de réveiller ses pulsions.

Le film reste, il est vrai, un assez classique film noir, mais il possède une lenteur et un point de vue originaux, merveilleusement servis par ses interprètes. Un bon (mais douloureux) moment.