Chronique film : Allemagne Année Zéro

 (1947) de Roberto Rossellini

Allemagne

En nos temps douteux, où le législateur planche sur un loi qui ne concernera que 20 000 personnes par an (mais potentiellement des criminels, puisque génétiquement fichés), il est parfois bon de rappeler que focaliser son attention sur la minorité permet de contrôler la masse. Il faut donc parfois revenir aux essentiels, pour revivifier un peu le cocotier et prendre du recul sur le présent.

Allemagne Année Zéro fait partie de ces films qu’on devrait montrer aux enfants dès qu’ils apprennent à lire. Frontal, dur, tourné en décors réels dans un Berlin d’après-guerre, absolument apocalyptique, il montre une réalité implacable d’un peuple ayant perdu tous ces repères, sociaux, matériels et moraux. A Berlin, en 1947, on crève de faim, on manque de tout, et le manque fait faire à peu près n’importe quoi. Difficile de garder la tête froide quand on a le ventre vide.

Edmund est un gamin de la guerre, il a 13 ans, et n’a donc pratiquement connu que ça. Contraint de se débrouiller pour trouver la pitance de son père malade, de son frère, ex de la Wehrmacht, qui se planque, et de sa soeur, blondinette qui refuse de faire la pute pour trouver à bouffer, il est livré à lui même, et à la loi de la jungle. Comment grandir ? Comment se construire ? Comment acquérir les valeurs fondamentales du prix de la vie humaine dans ces conditions ? Quand Edmund rencontre un de ses anciens instituteurs, aux mains très frôleuses, il gobe tout ce que dernier lui raconte. Son père malade n’est qu’un faible, et on se débarrasse des faibles.

Malgré une qualité d’image très variée (on n’imagine bien les conditions de tournage précaire), la caméra est d’une grande souplesse, et film les errances d’Edmund de manière magnifique, parfois lointaine, parfois très proche. Filmé apparemment sans jugement aucun, sans aucun ressort lacrymal, Allemagne Année Zéro n’est pas destiné à émouvoir le coeur du spectateur, mais à faire fonctionner ses neurones. Film indispensable donc, à voir et revoir et méditer.

2239