de Steven Spielberg.
Ca démarrait mal, le film s’appelait Cheval de guerre, il durait deux heures et demi. Aucune affection particulière pour les canassons, une aversion toute particulière envers les films de guerre, et généralement une méfiance envers les films longs. On ne peut pas dire que la suite présageait une amélioration du temps. Trois classes de collège débarquèrent dans la salle, beuglantes, gloussantes, suçotantes, craquantes, sous la houlette de petites profs qui me dirent d’un air désolé, ne vous en faites pas, on les fera taire. J’émis un grognement dubitatif, avant d’essayer vainement de me replonger dans mon Jean-Philippe Toussaint. Difficile de se concentrer quand du brouhaha de la salle s’expulsaient des « putain…2h30…fais chier…et ça parle vraiment de ch’vaux…putain ». Seule consolation, les gnomes n’avaient ni l’air d’apprécier particulièrement les chevaux ni les films à rallonge, ce qui me les rendit petit à petit plus sympathiques.
Pourquoi aller voir un tel film me direz-vous ? Et bien Spielberg, évidemment. Ayant loupé son Tintin, pas question de manquer son film suivant.
Soit un jeune cheval, demi-sang, né dans l’Angleterre d’avant la première guerre mondial. Le film raconte l’histoire de ce cheval, de sa naissance jusqu’à la fin de la guerre. Le canasson sera d’abord acheté beaucoup trop cher par une famille de fermiers assez pauvres mais dont le père et le fils en sont tombés amoureux, ils le prénomment Joey. Joey est bien entendu un cheval fantastique, « miraculeux » comme il sera qualifié à la fin du film : il n’a rien d’un cheval de labours, mais il réussit tout de même à labourer, sauvant ainsi la famille de la ruine, puis est vendu à l’armée une fois la guerre déclarée, passe aux mains des allemands, pour se retrouver finalement dans une famille française, Joey est ensuite récupéré par l’armée française… pour enfin retrouver son petit maître anglais, soldat dans les tranchées.
Cheval de guerre est très clairement un film pour enfant, avec un côté pédagogique très développé. La transition entre une guerre à l’ancienne et la guerre « moderne » est notamment très bien rendu par le biais de l’histoire du cheval dans le conflit : tout d’abord noble instrument d’attaque, relégué par la suite à trainer ambulances et pièces d’artillerie, avant d’être complètement supplantés par l’arrivée des chenilles. Mais outre cet aspect pédagogique plutôt bien rendu, difficile pour un adulte de trouver son compte, notamment dans la première partie chromo, assez moche et dégoulinante du film. Cependant, cette première partie (comme la dernière) auront eu au moins le mérite de faire taire la petite centaine de collégiens, pourtant pas ravis ravis de se taper 2h30 de film en version originale.
Malgré cette bonne première heure assez calamiteuse, le film évite le naufrage grâce à sa partie centrale, cette espèce de valse, de ronde, entre les différents camps militaires, et une famille civile. Quelques soient les griffes entre lesquelles tombe le cheval, un seul constat : il n’y a aucune bonne façon de faire la guerre, et celle-ci est une entreprise non seulement de destruction, mais de disparition massive. Et en seulement quelques scènes absolument fantastiques, Spielberg nous rappelle quel immense metteur en scène il peut être. On peut citer notamment cette première scène de bataille poignante dans laquelle on peut lire sur le visage de l’officier anglais qui charge sur Joey le moment où il va mourir. Le plan suivant montre le cheval sans son cavalier, comme disparu, puis un plan large sur le champ de bataille parsemé des cadavres innombrables des chevaux et des soldats. Le reste du périple du cheval se termine invariablement par une disparition, les deux jeunes déserteurs allemands, fusillés alors qu’une pale de moulin passe devant la caméra, ou bien le gaz qui s’engouffre dans une tranchée pour faire disparaître au propre comme au figuré un soldat anglais, ou enfin la disparition de la fillette française, pour le coup (et c’est un coup de maître) complètement hors champ. Cette insistance sur la disparition pourrait être considéré comme un refus de montrer la mort en face. L’effet est cependant inverse, la guerre apparaît alors comme une grande annihilation, une négation massive de l’essence même de vie. C’est donc plutôt bien joué, tout comme ce dernier plan, faussement ingénu, dans lequel la famille réunie baigne dans un coucher de soleil rouge sang.
Mais pour ces quelques scènes immenses (dont également la magnifique fugue du cheval qui se termine dans les barbelés du no man’s land), il faut se taper une bonne moitié de film bien niaiseuse et peu inspirée. Spielberg aura cependant réussi à moucher une centaine de marmots pendant 2h30. Et là, moi je dis, respect.